Un coup d’État contre l’école !

René Revol, maire de Grabels, s’adresse aux enseignants, parents d’élèves, à tous les personnels, à tous les usagers du système éducatif.

Madame, Monsieur,

Ayant consacré ma vie professionnelle à l’enseignement pendant 40 ans, longtemps délégué des parents d’élèves pendant la scolarité primaire de mes enfants, aujourd’hui en tant que maire très engagé au quotidien dans le soutien et la promotion de l’action éducative qui constitue le premier poste de dépenses communales, je suis naturellement très attentif à ce qui se dit sur l’école dans cette période pré-électorale.

 Aussi, j’ai été stupéfait par les propos et les propositions sur l’éducation énoncés le 17 mars dernier par le Président sortant candidat quand il a présenté son programme seulement trois semaines et demie avant le premier tour des élections présidentielles du 10 avril. Le débat est en partie noyé par les suites de la crise sanitaire et surtout par l’intolérable invasion guerrière de l’Ukraine. J’estime de ma responsabilité de vous alerter. Détaillons ce qui nous est proposé.

1- Généraliser  l’autonomie des établissements scolaires. Le terme « autonomie » supposé synonyme de liberté d’initiative cache en fait une régression majeure. Nos enfants n’auront donc pas le même programme d’enseignement selon la commune ou le quartier où ils habitent puisque les programmes pourront être modifiés localement. Un des acquis qui fonde l’école républicaine est l’existence d’un programme unifié sur tout le territoire de la République quelles que soient les origines des élèves. Certes nos enfants sont différents et c’est justement tout l’art de la pédagogie enseignante de partir de la situation de chaque enfant pour l’amener le mieux possible au même niveau d’exigence.

2- Organiser la concurrence entre les établissements en publiant les évaluations permettant de noter chaque établissement. Outre que ce genre de pratique invite à la fraude, cela insuffle le virus de la compétition de tous contre tous, poussant les établissements à discriminer voire éliminer les élèves en difficultés susceptibles de faire baisser leur notation et nuire ainsi à leur image auprès de l’opinion publique.

3- Faire éclater le corps enseignant, le diviser entre ceux qui voudront rester fidèles aux principes républicains à la base du service public d’éducation et ceux qui accepteront de « travailler plus » en échange d’une augmentation de leur rémunération. Cet argument flatte bassement la partie de l’électorat prompte à critiquer les enseignants pour leurs vacances et constitue en soi une faute morale pour un Président de la République. Si celui-ci avait quelque peu fréquenté l’école de la République, que ce soit comme élève, comme parent ou comme enseignant, il saurait qu’une heure de cours nécessite en moyenne deux heures de préparation. La très grande majorité des enseignants travaille en fait beaucoup plus que 40 heures par semaine. Quant à leurs rémunérations, avec le gel du point d’indice des fonctionnaires depuis 2010, donc maintenu par les trois derniers Présidents de la République, elles n’ont cessé de se détériorer passant pour le salaire de début de carrière de deux fois le SMIC en 1990 à 1,3 de nos jours.

4- Chaque directeur d’établissement scolaire pourrait recruter directement son personnel. C’est la fin programmée de l’Education nationale avec des concours nationaux encadrés et des garanties de qualification et de formation. Ce serait le règne des petits chefs et des influences locales. Quelle régression !

Ces propositions n’étaient portées jusqu’à ce jour que par des petits cercles ultralibéraux généralement  anglo-saxons. Il est désolant et scandaleux de les voir reprises aujourd’hui par un Président sortant par pure fidélité idéologique hors de toute évaluation objective, sans aucun débat public avec les acteurs concernés et au mépris de tous les travaux de recherche en matière de sciences de l’éducation. On peut penser que se croyant déjà réélu et sachant que c’est son dernier mandat vu l’interdiction constitutionnelle de se représenter dans cinq ans, il se croit libre de nous imposer une telle contre-révolution scolaire.

Nous avons déjà subi ces cinq dernières années des mesures brutales et dangereuses pour l’avenir de nos jeunes comme par exemple Parcours Sup qui a brisé les aspirations des jeunes sortant du bac ou encore la baisse de 17 % des heures de maths dans la réforme du lycée, dégradant fortement le niveau moyen de ces générations. Au-delà de ce bilan que je ne peux détailler ici, il me semblait indispensable de vous alerter pour que nous puissions ensemble faire échec à cette régression de notre système éducatif. Je vous invite à vous informer au mieux et à participer en conscience et en toute liberté au scrutin présidentiel des 10 et 24 avril.

Quant à moi, en tant que citoyen, je me suis engagé dans cette campagne présidentielle en contestant le bilan et le projet du Président candidat et en soutenant la candidature de l’Union populaire de Jean-Luc Mélenchon qui a publié depuis plusieurs mois son programme «L’avenir en commun» qui mérite la lecture.  Vu l’absence de débat véritable organisé avant cette échéance, je vous invite à prendre connaissance des programmes et des propositions des différents candidats pour faire un choix libre en conscience. Ce débat sur l’école nous montre bien que nous sommes face à un véritable choix de société.

René Revol

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