POUR ÉVITER UN NOUVEAU CONFINEMENT
Proposition de la municipalité de Grabels pour une nouvelle organisation de notre vie collective.
Avant-propos
Voilà bientôt un an que nous faisons face aux ravages de l’épidémie du nouveau Coronavirus. Une troisième vague s’annonce avec les complications de l’arrivée de nouveaux variants. Comme lors des épisodes précédents, nous apprenons par la presse et par une communication en demi-teinte des autorités gouvernementales et sanitaires qu’il faut nous préparer à un nouveau confinement. Nous voudrions attirer l’attention de tous sur de graves séries de conséquences qu’entraîne la situation que nous vivons depuis un an.
Premièrement, tout le monde a bien compris que chaque accélération de l’épidémie met en tension notre système hospitalier et particulièrement, au bout de l’échelle, le nombre de places en réanimation. Tout le monde a conscience qu’on ne peut pas laisser les choses se développer car lorsque les lits de réanimation seront tous occupés, cela se paiera par de nombreux décès supplémentaires que nous ne pouvons accepter. Ce n’est pas le lieu ici de discuter sur ce qui a amené cette limitation des capacités de réanimation dans notre système de santé. L’heure n’est pas à la polémique, mais tout responsable public se doit de dire qu’il faudra, à un moment ou un autre, faire le bilan en toute transparence devant nos concitoyens. De la même manière, nous savons tous que cette situation se maintiendra tant que nous n’aurons pas vacciné la majorité de la population et qu’en cas d’une mutation plus importante du virus, qu’il faudra renouveler les vaccinations régulièrement. En tant que municipalité nous n’avons pas de prise directe, ni de compétences spécifiques sur le plan médical, mais depuis mars dernier nous avons régulièrement proposé aux autorités préfectorales et sanitaires la mise à disposition de nos locaux et de la logistique de nos services lorsque ces dernières ont enfin décidé de mobiliser les dispositifs de terrain qui existe dans toutes les communes pour accompagner les actions nécessaires de protection médicale, depuis les tests jusqu’aux vaccins.
Deuxièmement, et cela ne semble pas suffisamment pris en compte ; confinement, semi confinement, interdiction de déplacement, fermeture des lieux de loisirs et de culture, mise à l’arrêt de certains sports, couvre-feu… finissent par avoir sur toute la population un effet dévastateur. Les mesures de soutien à l’économie ont permis de limiter les effets économiques et sociaux. Mais cela n’empêche pas de nombreux concitoyens d’être confrontés à de graves difficultés que ce soit pour leur emploi, pour leurs revenus afin de nourrir leur famille ou pour trouver un logement un minimum décent. Par ailleurs, la totalité de la population est confrontée à une véritable destruction du lien social malgré tous nos efforts à l’échelle communale pour maintenir le contact. La fermeture administrative de certains commerces, de lieux de sport, de lieux de culture et de loisirs commence à avoir des effets délétères sur la vie sociale. Nous sommes venus en aide à ceux qui n’avaient plus de quoi se nourrir mais aujourd’hui ce sont tous les habitants qui souffrent de ce manque de lien social car l’homme ne vit pas que de pain.
En conséquence, nous nous sommes mis au travail pour imaginer un maintien de la vie sociale avec des propositions précises que nous décidons de soumettre publiquement aux autorités de l’État. Cela constitue une alternative au confinement en instituant à sa place un système généralisé de rotation.
Proposition 1 : maintenir les écoles ouvertes en organisant la rotation des élèves.
Nous l’avons expérimenté avec les petits moyens de la commune entre le 11 mai et le 22 juin 2020. Chaque classe fonctionne en demi-effectif, autour de 12 élèves avec leur enseignant. Pendant ce temps, des personnels communaux, étatiques ou associatifs assurent des études surveillées ou des activités d’éveil, y compris en extérieur. Dans notre commune, il y a 31 classes élémentaires et maternelles avec une moyenne de 25 à 26 élèves par classe il s’agit de trouver 31 salles (ou 25 si on tient compte de parents qui souhaiteraient garder leurs enfants dans cette demie période). En réquisitionnant également toutes les salles associatives, nous disposons, avec les salles supplémentaires des écoles, des locaux nécessaires. Pour l’encadrement de ces demi-groupes en dehors du cadre scolaire proprement dit, nous proposons un partenariat préfecture, commune et association éducative pour recruter ce que nous pourrions appeler de nouveaux emplois jeunes, ce qui leur permettraient de valider une première expérience éducative formatrice. Les emplois civiques financés par l’État nous ont donné satisfaction et nous constatons qu’ils sont loin d’avoir été tous mobilisés nationalement. Si nous avons pu le faire seul dans notre commune en mai juin de l’année dernière, cela peut être fait partout avec la bonne volonté de tous et le soutien de l’État. Naturellement les personnels affectés à ces demi-groupes travailleraient sous le contrôle pédagogique des enseignants référents.
Nous pourrions organiser les demi-groupes hors du champ scolaire avec des horaires aménagés qui nous permettraient de diviser par deux la présence dans les salles de restauration scolaire.
Toute la communauté éducative a pu constater depuis septembre les ravages causés sur la majorité des élèves par plusieurs mois d’interruption de l’école. Nous avons aussi le retour d’expérience des pays qui ont fermé leurs écoles pendant plus de six mois avec de véritables générations sacrifiées. Nous ne pouvons pas renouveler cette expérience et nous proposons ici une solution alternative raisonnable.
Dans la même optique, le fonctionnement en demi-groupes présentiel/distanciel alternés adopté pour les collégiens et lycéens porte ses fruits, pourquoi refuser de l’appliquer à l’échelle des étudiants ? Les étudiants, ces jeunes, nos jeunes, oubliés dans toutes les réflexions du gouvernement crient aujourd’hui leur désarroi. En situation de précarité et d’isolement pour la plupart, ils doivent redoubler d’efforts, faire preuve de volonté, de courage et de ténacité pour suivre au quotidien, des cours en distanciel, auxquels s’ajoutent des réunions de groupe de travail, toujours en distanciel, comment ne pas craquer, comment ne pas abandonner ? Quelle perspective d’avenir pour ces jeunes qui passent leurs journées à “regarder les murs et leur écran” ?
Proposition 2 : maintenir tous les commerces de proximité avec des jauges strictes et des dispositifs de distanciation et de lavage des mains.
Cela implique par ailleurs que la grande distribution soit beaucoup plus contrôlée pour que lui soit imposée des limitations de fréquentation comme cela a été le cas au printemps dernier et qui malheureusement n’a guère été maintenu alors qu’en même temps le commerce de proximité se mourrait. À l’échelle des communes, nous avons su l’organiser et tout le monde a pu constater qu’à l’époque ce ne sont pas les commerces de proximité qui provoquaient les rassemblements. Parmi eux, pourquoi ne pas imposer que les lieux de restauration et de convivialité puissent aussi s’organiser en accueillant le quart de leurs capacités et en répartissant dans tout leur espace laprésence de chacun avec le port du masque en dehors des périodes d’alimentation et les distances réglementaires. Cela a été expérimenté dans plusieurs villes du monde sans que soit constatée de contamination.
Quant au marché de plein vent, nous sommes très fiers, dans notre commune, de l’avoir maintenu en permanence, envers et contre tout, avec des règles très strictes suivies par toute la population, particulièrement heureuse de garder ce lieu d’approvisionnement et de vitalité locale.
Proposition 3 : une nouvelle organisation du travail négociée collectivement
D’abord, pour les métiers qui le peuvent, maintenir le télétravail sur deux à trois jours par semaine. Sa généralisation à 100 % s’est avérée très dangereuse par l’isolement que cela a provoqué. Il faut donc maintenir une ou deux journées permettant aux collectifs de travail de se rencontrer. Mais ayons conscience que la majorité des activités ne peuvent pas appliquer le télétravail. Il faut donc trouver un système de décalage des horaires qui permettent le moins de brassage possible. Là aussi nous avons expérimenté des rotations dans nos administrations qui se sont avérées efficaces tant dans le maintien de l’activité que dans la protection des salariés. Instituer des heures de pause, notamment méridienne, décalée doit être quand même possible pour les adultes quand on le fait déjà pour les enfants. On peut faire cela très rapidement dans le secteur public (en tout cas notre commune y est prête) et le mettre en oeuvre dans le secteur privé avec des dispositions réglementaires que l’inspection du travail sera chargée de vérifier. Nous pouvons accompagner ce processus avec notre police municipale.
Proposition 4 : imposer une jauge dans les transports en commun et généraliser les mobilités actives douces.
La rotation des horaires des activités économiques, commerciales, administratives et scolaires peut parfaitement être planifiée à l’échelle intercommunale et faire ainsi baisser les flux au moment des heures de pointe de manière drastique. Plusieurs métropoles mondiales ont mis cela au point et nous pouvons parfaitement les imiter. Dans le même temps, les transports en commun doivent appliquer une jauge en organisant entrée et sortie avec l’aide d’un personnel adapté. Nous l’avons très bien mis au point dans les transports scolaires et nous pouvons parfaitement nous y préparer pour tous les types de transport. Par ailleurs, la gratuité des transports peut s’envisager pour faciliter le recul de l’engorgement automobile mais cela nécessite un soutien financier de l’État aux collectivités concernées qui ne se seraient pas engagées dans ce processus.
Par ailleurs, le soutien financier et logistique aux déplacements doux est essentiel dans cette période comme le prouve l’expérience de la métropole de Montpellier.
Proposition 5 : pour le maintien de la vie culturelle et sportive.
La culture au sens large et le sport sont des éléments intrinsèques de la vie sociale et doivent cesser d’être la variable d’ajustement des mesures sanitaires.
Pour le sport, nous allons progressivement vers des jours plus longs et un climat plus clément à partir de fin février. Nous pouvons parfaitement mettre au point le maintien, le développement d’activités sportives en plein air en utilisant les semaines qui viennent à le préparer minutieusement. Les clubs et les associations concernés ne manquent pas de propositions et d’imagination, et on se doit de tous les prendre en compte.
Nos concitoyens sont indignés de voir les grandes surfaces bondées ainsi que les transports en commun aux heures de pointe, et qu’en même temps un concert, une pièce de théâtre ou un film ne peut, lui, être projeté. Il suffit d’installer un spectateur tous les deux sièges avec l’obligation de se laver les mains à l’entrée et à la sortie pour que cela soit possible. Par ailleurs l’accompagnement des projets artistiques et culturels de plein air (art de rue, infrastructure à ciel ouvert…) est essentiel à la relance de ce secteur d’activité en grande difficulté aujourd’hui tout en facilitant l’accès au plus grand nombre. Plus personne dans ce pays ne comprend ces interdits dont les effets sociaux sont catastrophiques tant sur les professionnels du spectacle et de la culture que sur la population qui se voit ainsi scotchée à ses ordinateurs et à sa télévision dans une absence totale d’interaction. Là aussi du 22 juin au 15 octobre, nous avons appris de l’expérience sur le plan local et nous avons su mettre en place des dispositifs protecteurs efficaces. Pourquoi ne pas s’en inspirer ?
Conclusion : d’autres pistes peuvent être aussi approfondies et nous savons que d’autres communes ont fait des expériences intéressantes dans ce domaine. Ceci dit, notre message est clair : un nouveau confinement généralisé serait une catastrophe économique, sociale, culturelle et psychologique. La saturation des capacités d’accueil en réanimation ne saurait justifier à elle seule une telle régression. Mettons-nous tout de suite au travail pour imaginer une alternative. L’essentiel est de faire confiance aux citoyens. Ce ne sont pas des enfants irresponsables qu’il faut enfermer dans des interdits. Si on s’adresse à leur intelligence collective et à leur sens de la responsabilité en leur permettant de maintenir une vie sociale, nous y gagnerons tous. Serons-nous écoutés ?
A Grabels, le 26 janvier 2021,
René Revol – Maire de Grabels et son équipe municipale.