La révolte des gilets jaunes a le mérite de combiner dans un même élan trois exigences : la volonté d’être entendu face à une oligarchie hautaine et méprisante, le rejet de l’injustice fiscale de cadeaux aux plus riches et de forte taxation de ceux qui ont peu, la revendication enfin d’un véritable droit à la mobilité.
L’exigence démocratique de redonner au peuple son pouvoir souverain est celle d’un changement de régime politique, d’une sixième République ; l’exigence de justice sociale et fiscale s’est vite imposée face au « président des riches » et son gouvernement ; aujourd’hui le lien entre la revendication de l’équité fiscale et celle de la lutte pour la transition écologique est devenu limpide – à voir sur ce point l’excellente tribune «pour une écologie populaire» signée entre particulier par la Députée insoumise Mathilde Panot et la Sénatrice Marie-Noëlle Lienemann qui vient de quitter le Parti Socialiste. Dans cette note je m’attarderai sur le droit à la mobilité pour tous.
Un héritage du régime économique et social capitaliste.
La question de la mobilité ne se résume pas à une affaire personnelle. On doit la restituer dans la dynamique même du capitalisme productiviste qui a façonné nos modes de production, de consommation et de circulation. À son apogée, notamment entre 1950 et 1980, le système capitaliste a généré une certaine structuration de l’espace avec des lieux séparés et dédiés. Ce sont ici les lieux de production (autrefois des usines et de nos jours des espaces dénommés zones d’activités) avec leurs propres règles d’aménagement, concentrant nombre d’actifs qui chaque jour migrent vers ces zones pour y travailler ; là des zones commerciales ; ailleurs la concentration de l’habitat dans des espaces réservés avec l’ édification des banlieues et quartiers populaires ; quant aux « zones d’aménagement concerté » (ZAC) destinées exclusivement à l’habitat ; ces dernières, qui répondent aussi aux besoins des classes dites moyennes, voient de développer des zones pavillonnaires parfois très excentrées s’étendant toujours plus en périphérie des grandes aires urbaines. Quant aux zones commerciales, elles sont dominées par le modèle de l’hypermarché (né en France en 1963 et aux États-Unis 20 ans plus tôt) ; s’y rajoutent souvent des zones de loisirs équipées elles aussi d’immenses parkings, tels les multiplexes et les grands parcs de loisirs. Cette structuration de l’espace séparant production, habitat, commerces et loisirs, a profondément façonné et dégradé l’urbanisme de nos villes tout en asséchant dans les zones périurbaines et rurales les offres de services publics et privés. Dès lors les migrations quotidiennes ou hebdomadaires entre ces zones sont devenues indispensables à la vie sociale, imposant le recours l’automobile pour avoir la liberté d’y accéder. Nos plus anciens conservent encore en mémoire que pour bien profiter des premiers congés payés il fallait avoir pu acheter la deux-chevaux. La possession d’une voiture, vite perçue indispensable, a ouvert la voie à une production de masse de l’automobile taylorisée, générant une consommation de masse ; ce modèle productiviste et consumériste, né entre les deux guerres aux États-Unis, s’est imposé en Europe après la seconde guerre mondiale avec conjointement le déploiement d’un maillage de routes et autoroutes, dévoreuses d’espaces. Ce modèle perdure et continue à inciter à l’achat d’une voiture. Si Henry Ford dans les années 20 voulait que tous les ménages américains puissent choisir une de ces voitures « à condition que ce soit une Ford T de couleur noire » ! le « progrès » réside à la « liberté » de choix du modèle et de la couleur de sa voiture. Mais demeure pour beaucoup cette contrainte sociale d’en acquérir une.
Productiviste, consumériste mais aussi profondément inégalitaire, ce système est désormais confronté à une véritable impasse écologique et sociale en ce début du XXIe siècle. La civilisation automobile génère tant l’épuisement des ressources fossiles que l’émission toxique de gaz à effet de serre ; tout comme d’ailleurs un certain urbanisme et un type de constructions urbaines responsables de 40 % de l’émission des gaz à effet de serre. La disparition des terres agricoles de proximité des villes quant à elle entraîne la nécessité de recourir à des circuits longs et à des transports routiers fortement polluants. L’extension des zones urbaines accroît l’éloignement des ménages des lieux d’activité, de loisirs et d’approvisionnement, miter des territoires, dévore les espaces agricoles et naturels, nuisent à la préservation de la biodiversité et à l’équilibre climatique.
Les conséquences dramatiques du changement climatique sont désormais vécues et observées par la majorité de la population et la conscience que nous arrivons à la fin d’un modèle est aujourd’hui très répandue.
Pour illustrer
Montpellier, septième ville de France, c’est 280 000 habitants dans l’aire urbaine métropolitaine qui en compte un peu moins de 500 000. Les jours ouvrables ce sont plus de 600 000 voitures et véhicules qui rentrent et qui sortent de cette ville ; 90 % ne transportent qu’une seule personne !
Les montpelliérains se répartissent pour leurs déplacements quotidiens selon les moyens de transport suivant : 55 % en voiture, 25 % à pied, 15 % en transport en commun et les deux-roues représentent 5 % avec à peine 2 % pour le vélo. Pour l’usage du vélo, Montpellier est dans la queue de peloton des métropoles européennes de même taille. Résultat : un embouteillage permanent, une pollution chronique, l’allongement des temps de déplacement générant beaucoup d’énervement…
Cette situation résulte du type d’urbanisation des années 60 consistant à structurer l’espace urbain sur le modèle capitaliste productiviste. D’un côté des banlieues et quartiers populaires concentrant de nombreux logements, de l’autre des zones d’activités exclusivement consacrées à des activités tertiaires – où dominent l’informatique et la santé, enfin une ville entourée de zones commerciales géantes et de zones de loisirs. Ce type d’urbanisme, loin de n’être qu’un héritage, perdure aujourd’hui avec des projets de nouvelles ZAC, de nouvelles zones d’activité, de nouveaux supermarchés géants et de nouveaux centres de loisirs. Son impact est d’autant plus difficile à vivre que Montpellier, devenue la championne des embouteillages, est la seule ville française de plus de 100 000 habitants qui ne disposent pas de rocade urbaine. C’est à l’horizon 2030 que cette rocade sera bouclée et pourra éventuellement alléger quelque peu la circulation urbaine ; encore faudrait-il sortir du modèle d’urbanisation de fuite an avant, basé sur la programmation d’un accroissement sensible de la population tout en négligeant les modes de déplacements.
Des solutions punitives à la fois injustes et inefficaces
Face à l’envahissement de l’automobile responsable de la congestion des villes et de la destruction de l’environnement, la stratégie dominante est de rendre plus cher l’usage de l’automobile, pour obliger les agents économiques à faire un arbitrage pour d’autres moyens de transport. Une stratégie d’essence profondément libérale qui s’inspire des recommandations des économistes néoclassiques. Ceux-ci supposent que chaque agent fait un choix rationnel avec le raisonnement suivant : s’il y a renchérissement des activités qui ont des « externalités négatives » (en clair ici des effets négatifs sur l’environnement et la vie sociale) les agents sont conduits à s’en détourner ; par la voix du marché ils vont s’orienter vers d’autres choix, par exemple à abandonner comme mode de transport la voiture. Est dès lors justifié tout un ensemble de dispositifs mis en place pour décourager l’usage de la voiture : renchérissement des prix des parkings urbains, renchérissement des tarifs autoroutiers, lourdes pénalités pour les stationnements en ville, durcissement des conditions du contrôle technique, et bien sûr hausse des taxes sur les carburants comme on le voit actuellement.
À cela s’ajoute des dispositions réglementaires d’urbanisme : ainsi dans les plans locaux d’urbanisme le nombre de places de parking se limite de plus en plus à une place pour les logements en dessous d’un certain seuil (souvent les logements de moins de 70 m² et les logements sociaux) ; cette contrainte est censée dissuader les familles à recourir un second véhicule. Cette règle à pour le constructeur l’avantage par ailleurs de permettre plus de logements. Tout cela a été imaginé il y a une vingtaine d’années dans des bureaux, sans prise en compte des conditions réelles de mobilité des gens. Or cela ne marche pas. Pour une raison très simple : la grande majorité des ménages n’a pas les moyens financiers de faire les arbitrages rationnels imaginés par les idéologues libéraux. Quand vous obtenez enfin un logement social après des années d’attente, que votre salaire reste largement inférieur au salaire médian comme c’est le cas de la majorité des locataires du parc social, que les deux conjoints sont contraints de se rendre à leur travail rarement situés au même lieu, que n’existe pas de solution alternative, vous ne renoncerez à votre deuxième voiture.
De nombreux témoignages ont été recueillis ces derniers jours – avec le mouvement des gilets jaunes, d’autant que la grande majorité de la population laborieuse mise à distance des zones d’activités et des zones commerciales est tout simplement dans l’obligation de recourir à la voiture. C’est moins un choix qu’une dépense contrainte qui pèse fortement sur le budget des ménages. La variable d’ajustement, ce sur quoi se font les sacrifices sont dès lors un ou plusieurs d’autres postes de dépenses : loisirs, cadeaux de Noël, distraction pour les enfants, alimentation… On le voit très concrètement dans les centres communaux d’action sociale : des ménages, où les deux membres sont souvent actifs, ne sont plus en mesure de payer certaines dépenses basiques comme le chauffage, l’électricité ou l’eau parce que la bagnole indispensable est devenue un poste de dépense trop lourd. L’incident qui peut vous faire trébucher est parfois un PV exorbitant pour une petite faute de conduite ou l’impérieuse nécessité de passer au contrôle technique qui est de plus en plus cher. Seuls les plus riches seraient en mesure de se poser la question de l’arbitrage entre l’usage de la voiture et un autre transport… ce qu’ils se gardent de faire, ayant les moyens de payer cette surtaxe. Comme le montrent les études statistiques ce sont avant tout les ménages les plus démunis et les plus éloignés des centre ville qui payent l’essentiel de la facture. Le cynisme de ces mesures va bien au-delà, dès lors qu’aucune alternative n’est proposée. La plupart des parkings de centre-ville des grandes métropoles ont été le plus souvent cédés dans les grandes métropoles à des multinationales qui en ont fait de véritables vaches à lait. La privatisation du système de pénalité pour stationnement illicite fait disparaître le service public avec les PV réalisés par la police ; se substituent des forfaits amassés avec zèle par des entreprises privées qui cherchent à optimiser cette collecte. Quant aux autoroutes, toutes privatisées, les milliards distribués en dividendes aux actionnaires sur l’année 2017 équivalent à ce que coûte les transports en commun dans les 100 plus grandes villes de France ! Voilà qui pourrait représenter une belle manne financière pour la transition écologique… si les autoroutes étaient restées nationalisées. Parmi les ménages les plus pauvres, le choix d’une voiture diesel d’occasion était destinée à disposer pour de nombreuses années cette voiture économe en carburant, avantageuse donc pour le maintien du pouvoir d’achat. La fameuse prime offerte pour changer d’automobile sous condition de ressources, soit apparaitra à la grande majorité d’entre eux nettement insuffisante, soit les conduira à acquérir le même type de véhicule, sans aucun effet écologique. Bref toutes ces solutions d’inspiration libérale sont profondément inefficaces et injustes.
Changer de modèle pour garantir le droit à la mobilité pour tous.
Quelle politique pourrait être conduite pour planifier un changement de modèle ? Sans détailler l’ensemble des mesures possibles on peut se contenter d’indiquer quelques axes d’action.
Commençons par les transports en commun.
La densité et la fréquence de transport en commun de qualité et à prix abordable pour tous sont les moyens les plus sûrs pour convaincre de renoncer à la voiture. Dans les zones à grande densité urbaine la fréquentation du transport en commun, dès lors qu’il permet un déplacement plus sûr et moins cher, augmente régulièrement. Des inégalités existent certes selon les villes, selon par exemple qu’elles disposent ou non d’un métro comme Toulouse, Lille ou Rennes. Les autres grandes villes de province disposent généralement d’un réseau de tram assez denses, avec comme caractéristique de traverser les quartiers les plus peuplés avec un parcours plus sinueux, comme c’est le cas de Montpellier ; le centre urbain tire plus de bénéfice de ce réseau que la périphérie. Ce qui fait alors la différence ce sont les autres modalités de déplacements.
Certaines villes ont de bons systèmes de rabattement de bus, avec une grande amplitude horaire vaste et une forte fréquence, vers le réseau de trames. D’autres, comme Montpellier, font montre de carences dans la programmation des bus (réseau, amplitude horaire, fréquence). Le développement de ce système de transport en commun est une condition fondamentale de la fluidité des villes. Les transports urbains des grandes villes sont financés par trois sources : le paiement par les usagers de leur titre de transport, la taxe transport payée par les employeurs, plafonnée par la loi, la contribution de la collectivité par son budget général. Or dans la très grande majorité des villes le transport en commun est jugée comme trop cher par les ménages les plus modestes et les jeunes. On devrait s’orienter vers une baisse drastique de la contribution des usagers et tendre vers la gratuité. Cela deviendrait possible si on alignait la contribution des employeurs dans les villes de plus de 50 000 habitants sur celle qui est pratiquée dans la région parisienne et si on utilisait une partie des surplus du réseau autoroutier. Des modifications législatives sont indispensables pour obtenir ce type de financement. Dans l’immédiat il serait possible d’imposer la gratuité pour les moins de 25 ans et pour tous ceux qui ont un revenu inférieur au seuil de pauvreté. D’après des calculs, cette première mesure nécessiterait l’augmentation de 20 % de la part du budget général de la collectivité. Il faut donc une volonté politique locale et nationale pour améliorer la part du transport en commun dans les grandes villes.
La nécessité urgente de réaliser un véritable transport public interurbain.
Cela suppose que l’on donne la priorité aux trains du quotidien sur les trains à grande vitesse et qu’on rétablisse les liaisons ferroviaires de proximité qui ont été fermées ces dernières années. Bref il faut cesser de concentrer l’investissement ferroviaire dans les seules lignes à grande vitesse et redonner la priorité à l’investissement dans le train du quotidien. Or actuellement le prix du train n’est pas compétitif avec celui de la voiture pour les distances courtes et avec celui de l’avion pour les distances nationales. Cela résulte de la mise en œuvre des recommandations européennes appliquées avec zèle par les gouvernements français successifs. La SNCF est devenue une entreprise comme les autres qui doit parvenir à équilibrer ses dépenses avec les recettes provenant des usagers ; l’interdiction de subventions de l’État pour assurer le fonctionnement de l’entreprise obéit à la sacro-sainte loi de la concurrence libre et non faussée. Il faut donc dans ce domaine désobéir à Bruxelles et refaire de la SNCF un service public avec des investissements en partie financés par le système bancaire public et un fonctionnement qui favorise une baisse des tarifs incitatifs pour que les usagers recourent à un mode de transport à la fois bon marché et écologique. Dans les zones périurbaines et rurales qui ne disposent pas de ligne de chemin de fer, il est possible à l’échelon départemental de généraliser des transports propres en bus avec des voies dédiées dans les zones de concentration, en généralisant les parcours à un euro ou gratuit comme l’ont mis en place certains départements.
Pour cela il faut imposer de véritables régies départementales des transports en commun et annuler les privatisations réalisées dans la majorité des départements.
La mise en place d’un véritable plan vélo national est indispensable.
Dans les zones urbaines un investissement soutenu pour développer des pistes cyclables sécurisées (pas ces bandes délimitées par un simple coup de pinceau) s’impose. Certaines villes comme Grenoble peuvent servir de modèle à tous. Développer des liaisons interurbaines de courtes distances en vélo suppose de mailler les territoires de véritables pistes cyclables et d’en assurer la continuité. Précisons l’importance d’un entretien régulier des pistes cyclables. Ainsi, dans les zones périurbaines et rurales trop de pistes cyclables, faute d’être nettoyées régulièrement, sont délaissées par les cyclistes qui se reportent alors sur la route avec les dangers qui vont avec. Mais la fréquentation des liaisons interurbaines soulèvent la nécessité de favoriser le développement de l’usage des vélos électriques pour permettre que tous les publics puissent avoir accès à ce mode de déplacement. Se pose donc la question du coût.
D’ores et déjà des entreprises subventionnent les salariés qui se déplacent en vélo ; on peut imaginer un système de subventions pour l’achat d’un vélo électrique qui serait porté par les collectivités locales et abondé en partie par l’État. Mais le droit à la mobilité pour tous ne dépend pas seulement de mesures particulières concernant les moyens de transport. Il suppose des modifications plus profondes dans les modes de production et dans l’usage des espaces. Faut-il par exemple mettre en place une filière nationale de production de voitures électriques (question en débat) avec la reprise en main de la production des batteries, nerf de la guerre dans ce domaine ? D’autres modalités de transport en véhicule peuvent être envisagées et notamment la voiture à hydrogène qui, contrairement à ce qu’affirment certains, existe déjà de manière fiable. Cela suppose de programmer la construction de centrales hydrogènes. Transformer la majorité du parc automobile en voiture hydrogène d’ici une vingtaine d’années impliquerait une planification systématique encadrée des investissements nécessaires. Bref ne pas laisser les pleins pouvoirs aux trusts de l’automobile mais reprendre la main pour construire une nouvelle filière productive. On peut penser aussi à faire évoluer de manière décisive la répartition des activités humaines dans l’espace, ce qui suppose dans ce domaine aussi une planification urbaine volontariste. Pourquoi ne pas rapprocher et interpénétrer les zones d’activités et les zones d’habitat en construisant des partenariats qui permettent aux salariés d’être prioritaire sur les zones d’habitat proche. De timides dispositifs vont dans ce sens à l’échelle locale ; pourquoi ne pas les généraliser ?
Par ailleurs pour généraliser de nouveaux modes de consommation il importe de réinstaller les commerces de proximité et de généraliser les marchés alimentaires de circuits courts. De nombreuses expériences locales, à commencer dans ma ville, ont démontré que cela est possible et que les consommateurs sont nombreux à les plébisciter. De même l’installation de loisirs de proximité est une réponse aux besoins des ménages et notamment des enfants. Quant aux établissements scolaires, collèges et lycées, une plus grande proximité peut-être un atout, en tenant compte du contexte géographique et de la mixité sociale. Des établissements limités à une moyenne de 400 élèves pour les premiers et de 800 pour les seconds éviteraient d’autant les transhumances scolaires et donneraient à ces établissements une dimension humaine plus propice à une bonne éducation. Dans le même esprit il conviendrait de geler des classes uniques en milieu rural.
Pour conclure, le droit à la mobilité pour tous est une perspective fondamentale et transversale. Il contribue à transformer notre système économique et social, à fonder une approche humaniste, à nous sortir de la course effrénée et mortifère de la recherche du profit.
René Revol