Macron est venu la semaine dernière tenir un meeting à Montpellier. Connaissant le prix de location de la salle (autour de 30 000 euros) qu’il a utilisée, cela en dit déjà long sur les moyens financiers accumulés par l’ex-banquier pour faire sa promotion. Mais il importe plus encore de s’intéresser au contenu.
D’abord, concernant la participation de près de 2000 personnes, un de mes amis journaliste indépendant présent à ce meeting m’a décrit le public d’une manière que je ne résiste pas à vous reproduire : « le public du meeting de Macron est assez amusant à observer ; on n’y trouve des belles-mères qui rêvent de coucher avec leur gendre, des auto-entrepreneurs illuminés qui ne savent pas encore qu’ils vont être ruinés par plus gros qu’eux, des notables du patronat local spécialisé dans l’immobilier, le sport ou les déchets, des anciens publicitaires du système de Georges Frêche, des ex-hiérarques socialistes en perdition, de vieux chevaux de retour de droite et de gauche en mal de virginité politique, puis bien sûr d’authentiques libéraux qui épousent le discours du jour. »
Quant au contenu de son discours on y trouve d’abord une ode à Montpellier innovatrice, Montpellier l’audace, Montpellier imaginative… bref le discours de Georges Frêche des années 80 sur Montpellier la surdouée qui à l’époque avait eu son petit effet mais qui aujourd’hui ne passe plus ; en est la preuve la déconfiture en 2013 de la campagne « Montpellier UNLIMITED » qui a été le tombeau politique de Jean-Pierre Moure, héritier de Frêche. Il serait bon de rappeler à Monsieur Macron qu’un montpelliérain sur quatre est au-dessous du seuil de pauvreté et que le taux de chômage, bien qu’inférieur à celui de la région, est supérieur à la moyenne nationale. Les montpelliérains ne croient plus dans ce genre de discours.
Aussi, quand on écoute le détail de ses propos, on a de quoi s’interroger. Il propose en effet d’aller plus loin que la loi travail et d’abolir tous les accords interprofessionnels de branche pour ne maintenir que les accords d’entreprise, c’est-à-dire le lieu où le rapport de force est le plus inégal et le plus défavorable aux salariés. Il n’hésite pas à proposer la privatisation partielle des hôpitaux et de la sécurité sociale ! Sur certains points économiques et sociaux il est à la droite du candidat de la primaire de droite ! Et il dit n’en être qu’au diagnostic, que les propositions suivront… !
Mais le plus significatif n’est pas en soi le discours de cet individu ultralibéral qui n’a rien d’original dans le paysage politique. Le fait le plus révélateur est qu’il a été aux commandes durant près de cinq ans de la présidence Hollande, en ayant la main sur toutes les affaires économiques et financières, comme conseiller à la présidence durant deux ans puis comme ministre. Ce qui en dit long sur le contenu politique de la présidence Hollande. Ce qui contribue aussi, quasi mécaniquement dans l’opinion, à dévaluer tous les discours « de gauche » que vont tenir les postulants socialistes à la veille des élections, pour ne pas parler de ceux des socialistes qui le suivent, tel le maire de Lyon et certains députés, qui ont pour leur part la franchise de dire le fond de leur pensée en jetant aux oubliettes de l’histoire toutes les valeurs de gauche.
Rencontré récemment, un expert soutien de Macron m’a passablement énervé en me sortant la ritournelle suivante : « ce que j’aime chez Macron c’est son parler vrai ; il me fait penser à Pierre Mendès France. » Je ne supporte plus cette phrase marketing. D’abord parce que quelles que soient les divergences qu’on a pu avoir avec Pierre Mendès-France sur tel ou tel sujet dans sa longue carrière politique, c’est lui faire injure qu’un individu comme Macron puisse se réclamer de lui.
Monsieur Macron, Pierre Mendès-France, qui s’est fait élire dès 1928 maire de Louviers, s’est consacré à ce mandat local avec abnégation pendant des décennies ; membre du gouvernement du Front Populaire de 1936, il y défendit, dès l’époque et contre l’avis de Blum, les idées de Keynes que vous fustigez aujourd’hui ; Mendès le résistant fut menacé d’être fusillé comme Jean Zay, fit la paix en Indochine, en 1958 fut l’un des rares à résister à De Gaulle, fut à nos côtés en mai 68… Si l’auteur de la République moderne n’est pas sans contradictions et peut légitimement susciter le débat à gauche, je vous en prie Monsieur Macron, ne salissez pas la mémoire de Piere Mendès-France en vous réclamant de lui, sous prétexte d’un soit-disant « parler vrai ».
Au-delà de cette analyse, que beaucoup partagent, Macron n’est-il pas avant tout un indice de plus de la décomposition politique du parti socialiste.
René Revol