Note du 28 avril 2015
L’Agglomération de Montpellier aura été ainsi celle qui a eu le courage d’interrompre l’appel d’offre lancé par l’ancienne majorité pour la poursuite de la DSP afin de réaliser le passage en régie dès 2016. Après cette victoire il me paraît utile de revenir sur le combat politique et citoyen qui y a abouti et sur les principales leçons qu’on peut en tirer. Je vous invite aussi à revoir les vidéos de mes principales interventions de cette dernière année reproduite dans mon dernier post.
QUATRE ANS D’ACTION CITOYENNE
Cette victoire a était le fruit de combats citoyens inlassables depuis une bonne dizaine d’années et sur notre territoire plus particulièrement depuis 2009. Prenant appui sur le retour en régie de grandes collectivités comme Grenoble et Paris des associations et des personnalités prirent l’action en main et je me souviens d’avoir accompagné Madame Danièle Mitterrand et son association France Libertés lors d’un passage dans l’Hérault. A l’époque Georges Frêche ne voulut même pas recevoir l’épouse de l’ancien Président de la République ! Groupes citoyens et associations commencèrent à fleurir dont la plus active est l’association Eau secours 34. Le premier moment public important se joua lorsque l’Agglomération récupéra la compétence eau transférée par les 31 communes de son périmètre au 1er janvier 2010. Devenu Maire de Grabels en 2008, je me sentis bien seul à l’époque quand notre Conseil Municipal fut le seul à se saisir de cette occasion pour proposer le retour en régie au terme des contrats qui s’approchait. Depuis la mobilisation citoyenne ne cessa de s’amplifier et le deuxième moment important se situa au premier semestre 2013. L’Agglomération mit en branle un énorme dispositif de communication appelé « consultation citoyenne », tout cela pour convaincre que la seule solution était de continuer la DSP avec Véolia ! Mais ce matraquage publicitaire eut pour seul effet d’éveiller la curiosité du public qui devenait de plus en plus réceptif aux arguments des partisans du retour en régie. Les associations regroupées dans un collectif multiplient rencontres et débats et organisent dans les villages et les quartiers des votations citoyennes. A Grabels c’est la municipalité elle-même (ce sera la seule) qui organise information, débat et référendum municipal. La participation au vote dépasse les 50% et la régie recueille 95% ! Nous apportions la preuve que la question du retour en régie était devenue une question populaire dont les citoyens peuvent se saisir. Le paroxysme de cet épisode fut atteint lorsque le Président de l’Agglomération imposa en plein été à 7 mois de l’échéance électorale un vote engageant pour sept ans la collectivité dans une nouvelle DSP avec le privé. La puissance de la manifestation citoyenne (rejetée hors de l’enceinte manu militari) et l’importance de la minorité d’élus qui votèrent contre ou abstention étaient significatifs que la bataille n’était pas finie. En effet, la problématique de l’eau relève d’enjeux techniques, sanitaires, économiques, mais aussi environnementaux, démocratiques et sociaux qui doivent placer le citoyen au cœur du service public.
Et cette mobilisation citoyenne se régla dans la séquence électorale municipale de mars 2014. Dans ma Commune, notre équipe intégra dans ses engagements le mandat du retour en régie publique de l’eau qui nous avait été donné dix mois plus tôt et les électeurs nous firent largement confiance. Dans les autres communes hors Montpellier quatre équipes furent aussi élues avec un engagement clair pour la Régie : Clapiers, Jacou, Lavérune et Murviel les Montpellier. Notons que les autres équipes élues n’avaient prudemment rien dit sur le sujet. Mais l’essentiel se joua à Montpellier : La liste Front de Gauche conduite par Muriel Ressiguier s’était engagée pour un retour en régie de l’ensemble des activités l’eau et celle du dissident socialiste Philippe Saurel s’était prononcé pour la régie. Même les listes UMP et FN se prononcèrent dans ce sens. Seule la liste Moure rassemblant le PS, EELV, PRG et les élus sortants du PCF restés cramponnés à la DSP. Vous connaissez le résultat avec l’élection. Au lendemain de son élection il me fut proposé de devenir Vice-Président pour mettre en place une régie publique de l’eau potable. La proposition était claire dès le début : faire immédiatement une régie de l’eau et attendre la fin des nouvelles DSP pour y intégrer l’assainissement. Après l’avis favorable unanime tant de ma majorité municipale que des instances du PG j’acceptais et nous pouvions enfin passer de la préconisation à la réalisation.
Je tire de ces années de mobilisation jusqu’en 2014 trois leçons :
1- Ne pas se laisser impressionner par la solitude parmi l’élite politique et persévérer en fonction de ce qu’on croit juste.
2- Faire de la régie une question citoyenne et s’appuyer sur l’implication populaire en en appelant à l’intelligence collective.
3- Aller, le moment venu, au-delà de l’action associative et ne pas hésiter à investir le champ politique pour faire trancher le débat par le suffrage universel.
D’AVRIL 2014 A AVRIL 2015 : UN TRAVAIL ACHARNE POUR CRÉER LA REGIE
Une anecdote significative pour commencer : en avril 2014 un des responsables locaux d’une des composantes locales du Front de gauche (dont je suis un membre actif) écrivait sur son blog qu’il était inutile que je devienne Vice-président de l’Agglomération pour réaliser le retour vers le public de l’eau potable puisque le Président élu avait pris l’engagement de faire la régie ! Outre le fait que ce mélange de sectarisme (ne jamais prendre de responsabilités exécutives) et d’opportunisme (faire confiance dans les engagements des élus) est un mal endémique d’une partie de la gauche radicale – qu’elle doit apprendre à dépasser à l’instar de Syriza ou Podemos – je m’aperçois que sans mon action depuis un an, soutenue par la mobilisation associative et citoyenne au travers notamment du comité de suivi citoyen, la régie n’aurait pas vu le jour.
En effet plusieurs étapes durent être franchies, non sans mal. D’abord sous la pression médiatique d’élus de droite et des multinationales, on chercha à nous faire renoncer sous toute une série de prétextes : notamment le manque de temps pour mettre en œuvre la régie et la sagesse qu’il y aurait de nous contenter dans un premier temps d’une DSP… Bref nous aurions dû appliquer le programme du candidat socialiste battu. Ensuite certains nous approchaient pour expliquer que la régie était trop difficile à mettre en place et nous conseiller de nous contenter d’une SPL (Société publique locale) – ce qui aurait atténuer fortement le caractère public et démocratique de la structure. Je ne cédai pas un pouce et dès l’été 2014 nous nous engagions dans le processus menant à la régie… ce qui n’empêcha pas quelques scribouillards de blogs poubelles d’écrire que j’avais renoncé à la Régie. Il est d’ailleurs intéressant de constater que c’est dans cette période que se met en branle contre ma personne une incroyable campagne de calomnie. J’ai pu ainsi vérifier que la mise en place de cette régie dérangeait tout un petit monde qui avait intérêt à son échec. Ils en seront pour leurs frais.
Dans cette période de mise en place le soutien citoyen fut décisif. Et pour lui permettre de s’exprimer j’ai veillé à ce que se mette en place un comité citoyen de suivi qui a accompagné tout le processus. Son travail patient d’investigation et sa vigilance a permis de mettre en lumière le caractère injustifiable des tarifs payés par les usagers pour rémunérer les multinationales de l’eau. Sans son action je ne suis pas certain que notre entreprise ait pu aboutir.
Rappelons qu’à l’automne je fus aussi fortement mobilisé par les conséquences des inondations catastrophiques qui ont frappé ma commune. J’ai essayé d’y faire face au mieux de mes possibilités comme j’en ai rendu compte sur ce blog. En tout cas cela ne m’a pas fait ralentir la programmation de la mise en place de la Régie.
Outre le recrutement d’un directeur et de son équipe projet, le dernier trimestre 2014 fut occupé par deux négociations importantes à mener : d’une part avec les services de l’Etat pour qu’ils nous autorisent légalement à passer en régie et valident l’avenant transitoire d’un an le temps de mettre en place la régie… Cet accord n’arriva qu’au tout dernier moment, début octobre. D’autre part, il a fallu justement négocier l’avenant en question avec les délégataires en place et que ces avenants se fassent aux meilleures conditions pour la collectivité pour que nous ayons le maximum de marges pour mettre en place la régie. Cela fut rondement mené et nous avons obtenu pour l’année 2015 une baisse significative de la rémunération du délégataire ; cela nous permet de financer la transition vers la régie sans qu’il en coûte un centime de plus ni à l’usager ni au contribuable.
Une fois ces questions réglées, restait un sujet de débat : le choix du statut juridique de la Régie. Sans entrer ici dans des aspects techniques apportons les précisions suivantes : comme la régie directe est interdite par la loi depuis le décret Poincaré de 1926 (sauf celles très rares qui existaient avant cette date) toutes les régies sont donc dotées de l’autonomie financière vivant uniquement de la facturation de leurs services (c’est le principe l’eau paye l’eau). La question se résume à savoir si elle est à simple autonomie financière ou si en plus elle est dotée d’une véritable personnalité morale. Un vrai débat s’est engagé sur ce choix et il tourna à l’avantage de la régie dotée de l’autonomie financière et de la personnalité morale. Ce choix avait ma préférence mais j’ai tenu à ce que cela émerge d’un vrai débat sur le fond, comme on le voit dans l’excellent échange qui a eu lieu au comité citoyen de suivi que chacun a pu suivre en ligne. Voulu comme un exercice participatif, même si la décision relève du conseil, ma démarche a été animée par le souci de bâtir la Régie sur des valeurs communes. Il y a aussi été réaffirmé l’attachement à inscrire des activités dans une durée qui dépasse les échéances habituelles des contrats de concession.
Ce sont précisément deux raisons fondamentales qui plaident pour la régie personnalisée :
- La Régie personnalisée permet par son mode de fonctionnement de défendre pleinement la notion de service public ; responsable d’une activité industrielle et commerciale elle offre la réactivité à la continuité et la fiabilité du service rendu. Son indépendance lui permet de n’obéir qu’aux missions économiques, sociales, écologiques et démocratiques clairement spécifiées dans ses statuts notamment celles de prendre en compte la nécessaire préservation de la ressource en eau pour aujourd’hui et demain ; de garantir l’accessibilité pour tous à l’eau potable, et l’égalité de tous face à la qualité de l’eau.
- La régie personnalisée est plus démocratique puisque les représentants des associations d’usagers et environnementales ainsi que les représentants du personnel sont membres du Conseil d’Administration avec voix délibérative (c’est le choix que nous avons fait) aux côtés des élus issus du Conseil Métropolitain. Cela lui donne une légitimité élargie à la fois une légitimité représentative issue du suffrage universel et une légitimité participative issue de l’implication citoyenne.
Ainsi le Conseil Métropolitain du 28 avril 2015 vient d’adopter les statuts de la régie à autonomie financière et à personnalité morale de Montpellier Méditerranée Métropole, et a élu son CA, nommé don directeur. Dès mai 2015 la Régie va pouvoir agir en toute responsabilité pour assurer directement au premier janvier 2016 le service public de l’Eau pour les 337 000 habitants de son périmètre.
Les tâches qui nous restent à réaliser d’ici la fin de l’année 2015 sont nombreuses : installation officielle du CA et de son équipe ; assurer le transfert dans les meilleures conditions possibles des personnels de Veolia et faire les recrutements complémentaires, poursuivre au même rythme les investissements qui garantissent la préservation de la ressource, poursuivre les recherches engagées… Par ailleurs nous nous sommes engagés à baisser le prix de l’eau dès 2016 et cela nécessite, dans notre volonté de transparence, de construire le compte d’exploitation prévisionnel de manière solide pour que l’annonce de cette baisse du prix soit sérieuse et puisse être tenue. Bref le travail ne manque pas d’ici la fin de l’année pour que nous puissions confirmer ce que d’autres collectivités ont déjà prouvées : que le service public est à la fois plus efficace, plus écologique et plus juste. Ce sera un formidable point d’appui pour tant de causes citoyennes.
QUELQUES ENSEIGNEMENTS DE CETTE PREMIERE VICTOIRE.
- On mesure d’abord l’importance de la fidélité des élus à leurs engagements électoraux. C’est assez rare par les temps actuels (« mon ennemi c’est la finance » …). Il arrive parfois qu’un édile sincère se trouve confronté une fois élu à des forces considérables pour lui faire lâcher prise. Ne pas céder à la pression est donc la première condition.
- Notre action fut toujours collective et citoyenne. Là fut l’essentiel. Dans cette première année de mandature nous avons veillé à ce que l’implication citoyenne se poursuive comme avant 2014. C’est pourquoi j’ai tenu à mettre en place dès juin un Comité citoyen de suivi de la mise en place de la régie avec quatre composantes égales : élus, associations citoyennes, chercheurs et personnalités qualifiées, personnels. En sept mois ce comité citoyen a tenu trois séances publiques intégralement filmées et mises en ligne permettant ainsi le contrôle des citoyens. Des ateliers de travail ont aussi été organisés et des rapports publiés. Outre un débat sur les résultats de la recherche sur la ressource en eau qui fut fort intéressant, le débat le plus important eut lieu sur le statut de la Régie et la prise de position à une très large majorité pour la régie personnalisée ; ce qui a pesé lourd dans la décision finale. Nous avons ainsi à notre modeste place sur ce dossier su faire évoluer la démocratie de la délégation à l’implication.
Instruit par l’expérience de ce comité de suivi nous avons décidé d’installer à côté de la Régie un Observatoire de l’EAU, confirmant ainsi notre volonté de mettre le citoyen au cœur du service public de l’eau. Observatoire qui pourra aussi, du moins je le souhaite, préparer les esprits au retour en régie de l’assainissement, enjeu et objectif important à réaliser… J’aurai l’occasion de revenir sur ces dossiers.
Vive la Régie Publique de l’Eau !