Note du 25 août 2012.
Avant de développer ma chronique politique de rentrée en cette fin d’août je voudrais répondre à plusieurs d’entre vous qui m’ont écrit pour regretter que je ne parle plus sur ce blog de mes lectures personnelles comme je le faisais encore il y a un an ou deux. Je m’excuse donc d’avoir laissé l’urgence politique et sociale envahir ce blog et je répare cet oubli à la fin de cette note en vous livrant mes réflexions sur mes lectures de l’été, avec une petite perle littéraire qui m’a enchanté.
Oui la rentrée est dure : j’ai repris mes rendez vous en mairie avec la population et je peux vous assurer que l’enthousiasme olympique n’a pas fait disparaître les angoisses. Il ya d’abord cette contraction du pouvoir d’achat avec d’un côté des salaires en berne (et c’est souvent par la suppression des primes que le revenu baisse) et de l’autre des prix qui montent : le prix de l’essence, celui de l’électricité, les quittances de charges arrivent avec toujours une hausse…certains ménages où il y a pourtant deux emplois ne voient pas comment ils vont pouvoir assurer les frais de rentrée. J’ai notamment rencontré un couple (infirmier et aide soignante) qui était tout fier que son grand garçon ait réussi à rentrer dans une bonne filière professionnelle mais c’est loin et il y a beaucoup de frais. Ils voulaient renoncer. J’ai mobilisé tout ce que j’ai pu car je ne supportais pas que ce jeune voit son avenir bouché. Mais pour un cas résolu, combien de renoncements ailleurs ! Et puis la montée du chômage et de la précarité est très sensible cet été : il y a d’abord les licenciements. Quand on voit que dans le fleuron pharmaceutique de Montpellier SANOFI on programme 200 suppressions d’emplois alors que l’entreprise a fait des profits record on a de quoi enrager. Mais ce qui est surtout visible dans notre région ce sont les effets des fins de contrat d’intérim et les CDD non renouvelés. Dans beaucoup d’entreprises c’est la variable d’ajustement : fin d’intérim et fin de CDD ça ne se voit pas. Par contre cela gonfle la liste d’attente des chômeurs. Cela touche aussi l’éducation nationale où de nombreux emplois aidés n’ont pas été renouvelés en juin; des emplois hautement qualifiés sont également concernés comme on l’a vu au CNRS où après avoir multiplié les CDD de chercheurs ceux-ci ont été remerciés. Quant à la rentrée scolaire, il ne faut pas s’attendre à une baisse des effectifs dans les classes ; comment voulez vous que la petite bouée d’oxygène des 1000 postes puisse compenser les 70 000 postes supprimés par Sarkozy en 5 ans ? La situation va vite être tendue dans de nombreux établissements. Je pourrais continuer la liste avec la santé, le logement, la baisse des moyens dans le secteur culturel….bref la rentrée sera dure.
Réponse molle. Quant à la réponse de Hollande elle est bien molle. Si on regarde les salaires, la conférence sociale n’a rien donné et le coup de pouce au SMIC fut presque ridicule ; le lobbying patronal a joué à plein et il a porté ses fruits. Allocations familiales et minima sociaux ne bougeant pas, on aura finalement obtenu que la hausse de 25% de l’allocation de rentrée scolaire c’est-à-dire autour d’une trentaine d’Euros versés en une seule fois. Ce n’est pas comme ça qu’on redressera le pouvoir d’achat. D’autant que rien n’est fait pour bloquer les prix : la valse hésitation sur le prix de l’essence pour finir par une baisse des taxes sans toucher au prix pétrolier, la mesure va s’avérer cosmétique. Là aussi le lobby pétrolier a joué à fond et a gagné ; il est vrai que ce lobby était enhardi par ses succès précédents sur les forages en Guyane (où il a quand même eu la peau d’une ministre) ou sur les gaz de schiste où selon les ministres on ne sait plus quelle est la position du gouvernement. Quant au front de l’emploi ce n’est guère plus brillant. Depuis mai le patronat met en œuvre une vague de licenciements qu’il avait gardée sous le coude sous l’ère Sarkozy ; et face à cela les belles envolées lyriques de Montebourg n’ont guère d’effet. Une des lois prioritaires serait d’interdire les licenciements boursiers c’est-à-dire d’interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits et versent des dividendes à leurs actionnaires. Il faut donner le pouvoir aux salariés de se réapproprier leur outil de production de manière coopérative quand les patrons font défaut. Appuyé sur ces deux moyens on pourrait sauver des milliers d’emplois en les insérant dans une vraie stratégie publique de réinvestissement industriel. C’est ce que nous avions élaboré au front de gauche avec la mise en place d’une planification écologique. Un épisode de cet été montre l’absence de vision de ce gouvernement habitué qu’il est au bon vieux fonctionnement social libéral : pour aider le secteur automobile en crise on nous propose de subventionner prioritairement les voitures électriques. Très bien la voiture électrique mais les objectifs fixés nécessitent l’augmentation de la capacité de production électrique et comme dans ce domaine le compromis PS-verts a fait l’impasse sur l’avenir du nucléaire, tout cela ne peut se faire qu’avec deux centrales nucléaires supplémentaires ….ce qui serait le comble pour celui qui voulait faire baisser le nucléaire de 25% ! Là aussi le lobby patronal a pesé de tout son poids pour qu’aucune mesure radicale soit prise et cela va se payer par une montée en flèche des licenciements dans la récession qui se met en place. Les 150 000 emplois d’avenir à mi chemin entre les emplois aidés précaires et les emplois jeunes Jospin ne joueront qu’à la marge.
La même mollesse caractérise d’autres dossiers, par exemple le logement où on ne retient que deux mesures :
1- l’élaboration d’une loi d’encadrement de la hausse des loyers futurs, alors qu’après vingt ans de hausse indécente il fallait imposer une baisse des loyers ; là aussi le lobby immobilier s’est montré plus influent que les locataires ;
2- l’augmentation de 50% du plafond du Livret A (alors qu’on avait promis le doublement et là c’est le lobby bancaire de l’assurance vie qui a joué son rôle) ; s’il est bien d’encourager l’épargne populaire qui est la source principale du financement du logement social, on est là devant une mesurette qui ne résoudra pas la carence massive de logement. C’est tout un modèle économique qu’il fallait bouleverser avec méthode. J’en avais fait une longue note d’analyse dans un billet de ce blog au cours de la campagne présidentielle.
Reste le collectif budgétaire de juillet qui demeure bien modeste au vu des enjeux. Car l’essentiel est de revenir à la fiscalité d’avant Sarkozy ; s’il fallait effectivement abolir les privilèges fiscaux exorbitants accordés par le président des riches, on ne peut pas dire que revenir simplement à la fiscalité Chirac soit une grande mesure de gauche. En ce qui concerne les dépenses publiques on reste dans le cadre du « semestre européen » c’est-à-dire le cadrage imposé par Bruxelles. Et on en a eu la confirmation avec les lettres de cadrage du Premier Ministre à ses ministres pour les budgets 2013 – 2015 : elles annoncent une austérité budgétaire pour deux ans (et seulement des vases communicants vers un peu plus de crédits à l’éducation et à la police, donc au détriment des autres). Bref on reste dans la philosophie qui nous conduit au désastre : quand l’activité se réduit et que la demande des ménages et des entreprises se ralentit, quand les achats des autres pays diminuent, ajouter en plus une diminution des dépenses publiques ne peut qu’amplifier la catastrophe. D’où ce sentiment de paralysie et de mollesse que donne le pouvoir socialiste, d’autant plus surprenant que la droite était KO et qu’avec tous les pouvoirs locaux et nationaux les moyens d’action ne manquaient pas.
Comment expliquer cette mollesse ? Ce n’est pas une question de caractère. C’est profondément lié à un choix politique qui encadre toute l’action gouvernementale et qui joue comme une discipline sur l’ensemble comme sur chacun. Il s’agit de la soumission au carcan libéral européen totalement assumé par Hollande. Le traité MERKEL-SARKOZY a été repris tel quel sans en changer une virgule, contrairement aux engagements de renégociation. Le traité reste le même tel qu’il a été déjà adopté par une partie des pays et Hollande n’a obtenu en échange de sa soumission qu’une vague déclaration pour la croissance appuyée sur un montant budgétaire microscopique et qui d’ailleurs avait déjà été décidé. Que va peser ce pacte pour la croissance face à la mécanique infernale du traité : des cacahuètes ! Car mesurons bien que le nouveau traité accentue l’austérité puisqu’il fait obligation à chaque pays d’avoir un déficit public qui ne dépasse jamais 0.5% du PIB quelles que soient les circonstances. Et si vous n’obéissez pas vous serez sanctionné financièrement par la Cour de Justice, instance non élue. Déjà les Etats avaient perdu le pouvoir monétaire en le confiant à la BCE agence non élue du système financier et on a vu où cela nous a mené. Maintenant il faudrait que les Etats abandonnent leur souveraineté budgétaire et par là abandonnent tout pouvoir. Que signifie une compétence sur l’éducation et la santé si je n’ai plus le contrôle du budget qui les finance. Ce dogmatisme libéral qui impose l’austérité pour toujours est ahurissant dans le contexte d’une récession. Au moment où face au ralentissement économique la Chine, le Japon, les Etats-Unis, le Brésil mettent en place des plans de relance…l’Europe s’attache les mains dans le dos en généralisant les baisses de dépenses publiques qui ne feront qu’accroître la récession. Cette politique est si peu rationnelle qu’on s’interroge sur ce qui la motive. Outre la routine politique et l’amour propre qui poussent à persévérer dans sa doxa par incapacité à penser un autre monde, il faut y ajouter la force des intérêts : les détenteurs du capital financier ont largement pris le pouvoir intellectuel comme matériel dans les institutions gouvernementales comme dans celles de l’UE et sauver ce pouvoir financier les pousse à une politique de déflation favorable à une valorisation de l’épargne au détriment des producteurs de richesse. La chute n’en sera que plus brutale.
La campagne contre ce traité et la campagne pour qu’il soit soumis au vote populaire a une importance cruciale à cette rentrée. La décision du Conseil Constitutionnel de cet été disant qu‘il n’y avait besoin d’aucune modification de la constitution est une mascarade, qui prouve bien qu’en France nous n’avons pas de Cour Suprême fondé sur le droit mais un aréopage politique au service des élites et qui prend les décisions qui arrangent bien ces dernières. Si on lit de prés son arrêt on découvre l’idée que la règle d’or serait déjà dans la constitution puisque celle-ci prône la recherche de l’équilibre des comptes publics. Et de l’autre Hollande se félicite de cette décision car ainsi il ne modifie pas la constitution pour y intégrer la règle d’or…alors cette règle d’or, elle y est ou elle n’y est pas ? Hollande et le Conseil sont donc d’accord mais avec des raisons totalement opposées. Cela ressemble plus à une manœuvre interne à un congrès socialiste qu’à une bonne gouvernance de l’Etat. Bref le gouvernement serait mal inspiré de tuer le débat en septembre par une adoption à la sauvette du traité austéritaire.
Oui une autre voie est possible et elle va s’imposer au fur et à mesure qu’on s’enfonce dans la récession. Cette voie consiste à mettre en place de vastes plans de relance de l’activité dans le cadre d’une planification écologique, de soutenir les salaires notamment les plus bas pour doper la consommation et lié à cela prendre en main le réseau bancaire pour le mettre au service du développement et l’arracher à la spéculation et racheter les dettes des Etats par les banques centrales. Cette voie nous aurions pu l’ouvrir en Europe le 17 juin dernier si Syryza avait été majoritaire en Grèce et si le Front de gauche avait été incontournable pour faire une majorité de gauche en France. Cela était possible mais cela n’a pas eu lieu. C’est donc par le fracas de la crise et de la résistance sociale que cette issue va s’imposer comme nécessaire et il revient à la dynamique unitaire du Front de gauche de porter cette issue. Le succés ce Week End des Estivales du Front de gauche à Grenoble est un signe encourageant.
Un enjeu : la démocratie. Le débat démocratique, sa possibilité, son contenu, dans ce contexte devient un enjeu. Nous avons tous salué le départ de Sarkozy et la fin des décisions unilatérales et autoritaires du monarque républicain. On ne pouvait que se féliciter du retour d’un certain dialogue politique comme social. Mais il y a eu peu à peu pendant ces cent jours des signes qui inquiètent sur la poursuite d’un vrai débat démocratique. Il y a eu d’abord la volonté de réduire la gauche à un seul parti le PS ; je laisse de côtés les radicaux et autres chevénementistes qui sont domestiqués depuis longtemps. Les Verts EE ont été proprement réduits au silence d’abord dans la campagne présidentielle par le fameux accord avec le PS ou les dirigeants des Verts ont tué la campagne d’Eva Joly, quels qu’aient été son courage et sa combativité, puis ensuite sa conséquence leur intégration au gouvernement et à la majorité parlementaire : devant tous leurs postes et donc leur existence au PS ils se retrouvent avec une « muselière » (pour reprendre le trait de lucidité de Cécile Duflot). Un certain nombre de sujets importants dont les Verts sont les porteurs historiques notamment sur l’environnement peuvent ainsi être partiellement occultés dans le débat public. Cette situation a d’ailleurs eu pour conséquence de générer tout un courant alternatif et écologiste dans le Front de gauche. Mais justement la deuxième étape de cette offensive a été la tentative de marginalisation du Front de gauche. L’acharnement personnel contre Mélenchon atteint des sommets depuis un an et l’énergie extraordinaire qui a été déployée par les dirigeants du PS pour qu’il ne soit pas député n’enlève rien au fait qu’avec 11% des voix et 4 millions d’électeurs le FG est la deuxième force politique à gauche et la quatrième force politique importante ; il demeure que Hollande n’aurait pas été élu avec 50.5 % sans les voix du FG.
Cette force n’a pas pu être domestiquée car nous préférons n’avoir que 10 députés mais libres plutôt que quatre fois plus mais soumis. On voit à nouveau à cette rentrée les tenants du social libéralisme reprendre leurs attaques personnelles au lieu de répondre sur le fond. Ils ont bien tort car les questions de fond que nous posons (dont certaines sont développées ci-dessus) ne vont pas disparaître par enchantement parce qu’on fait une plaisanterie sur les vacances vénézuéliennes de Mélenchon. Il faut donc l’accepter il y a et il y aura dans ces mois un débat à gauche entre le PS et ses alliés et le Front de gauche : ce débat est sain et nécessaire à la réussite de la gauche en général.
Il traverse d’ailleurs le PS lui-même. Et à ce sujet il est inquiétant que la préparation du congrès du PS ait commencé par un oukaze : la motion commune des deux A (Aubry et Ayrault) à laquelle tous étaient sommés de se rallier ! Silence dans les rangs ! Ce débat au sein du PS est aussi nécessaire que le débat général à gauche ; la réussite de la gauche en dépend aussi. Souhaitons que Hamon et consorts trouveront le courage d’exprimer leurs idées.
La commission JOSPIN. Mais il n’y a pas que la démocratie entre les partis politiques. Il y a aussi la démocratie dans la société. Dans une prochaine note je reviendrai sur la démocratie sociale proprement dite. Ici je voudrais aborder la démocratie citoyenne. Donc Hollande a nommé une commission sur le thème de la rénovation et la moralisation de la vie politique que préside Lionel JOSPIN. La personnalité de son président à la réputation d’intégrité plaide en faveur de la moralisation ; pour ce qui est de la rénovation, il en va autrement car Jospin est bien loin de la 6ème république lui qui s’est clairement prononcé contre le parlementarisme et pour la présidentialisation (qu’il a lui-même favorisé en inversant le calendrier et avec le quinquennat, ce qui fut une arme pour Chirac puis pour Sarkozy). Je n’ai rien à dire sur la composition de cette commission ; il y a certes des gens de droite (trop à mon goût) mais il y aussi des personnes très libres et qui ont porté des propositions intéressantes dans le passé, et on verra si elles auront la capacité de les défendre ou si l’administration centrale aux ordre du Président ou du Premier Ministre qui encadre ce genre de commission (je parle d’expérience ayant vécu ce genre de situation entre 2000 et 2002 !) imposera ses vues transformant les membres de la Commission en faire valoir impuissants. Rien n’est automatique dans ce domaine et l’avenir nous dira ce qu’il en est. Mais le problème n’est pas là ; il tient dans la méthode fermée de cette commission et de son travail qui semble très archaïque. Pourquoi ne pas faire des auditions publiques de parlementaires, de représentants d’associations, d’experts reconnus au point de vue différents ? Pourquoi ne pas retransmettre ces auditions et ces débats sur une chaîne parlementaire ? Pourquoi ne pas ouvrir un site en sollicitant des contributions de tous ? Pourquoi ne pas lancer des tribunes dans les journaux et les autres médias ? Bref un débat démocratique moderne ! Ce que la droite avait organisé avec la Commission STASI sur la laïcité pourquoi la gauche ne serait pas capable de l’organiser sur l’évolution des institutions politiques de notre démocratie. J’espère que des voix ayant plus d’écho que la mienne vont s’élever pour réclamer ce vrai débat démocratique et rappeler à Hollande et Jospin que le temps des « commissions à la Clémenceau » est fini et que par sa méthode même de fonctionnement cette commission manifeste « la rénovation et la moralisation » sur laquelle elle doit travailler.
Bon j’ai été assez long et vous avez compris qu’à cette rentrée le travail du Front de gauche va toujours être aussi important dans la résistance sociale comme dans la proposition de solutions de gauche alternatives au consensus libéral européen. Bonne rentrée à toutes et à tous.
Lectures d’été
L’été pour moi est une aubaine pour la lecture entre deux tournées de kayak et les obligations municipales. J’ai eu comme d’habitude trois types de lectures : 1) les essais en sciences sociales, histoire ou philosophie ; 2) la poésie toujours là comme piqures de rappel ; 3) et enfin des romans , la vie quoi ? J’insisterai beaucoup plus sur la dernière catégorie.
En sciences sociales j’ai dévoré plusieurs essais sur la question de la Protection sociale, de la pauvreté et de l’Etat social en général car je prépare une publication sur ce thème qui me passionne en ce moment et sur lequel il y a un enjeu politique pour les temps qui viennent. J’aurai l’occasion d’y revenir. J’ai particulièrement étudié les travaux de Serge Paugam et Nicolas Duvoux sur la pauvreté dans nos sociétés ; dans les différentes lectures sur le thème de l’Etat social je note particulièrement la somme de Christophe Ramaux sur l’Etat social sortie juste avant l’été. Ce dernier travail a certes des défauts à mon avis (rien sur la pauvreté justement, une certaine tendance à la digression sur des hors sujet, le ton parfois hautain d’un universitaire sur les autres, une obsession anti marxiste surprenante pour un antilibéral affirmé). Malgré cela ce travail est une vraie mine tant par la qualité de son argumentation que par les analyses et recommandations. Par ailleurs en histoire des idées un livre peu connu qui m’a passionné sur la montée des idées racistes et xénophobes à travers la pensée allemande du XXe siècle : un travail remarquable mais un peu difficile par moment. Il s’agit de « Entre chiens et loups » par Edith FUCHS (Editions Le félin). Il me faudrait aussi du temps pour parler de la somme de Christian LAVAL et Pierre DARDOT « Marx, prénom Karl » chez Gallimard ; il faudra que j’y revienne car il y a à l’échelle internationale un véritable retour à Marx (que j’ai pu constater aussi dans les jeunes générations) et cela entraîne une reprise à nouveaux frais de vieux débats passionnants. Dans ce domaine Dardot et Laval apportent beaucoup. J’en profite aussi pour essayer de rattraper mon retard dans la connaissance du nouveau philosophe représentatif de la tradition critique allemande, Axel HONNETH, notamment son bouquin de 2007 sur la réification.
Ensuite dans mes lectures poétiques je voudrai privilégier la dernière livraison de la revue « Souffles » (la plus vieille revue littéraire du sud de la France que dirige mon ami et collègue conseiller municipal Christophe CORP) : le thème de ce numéro porte sur les métamorphoses et contient de pures merveilles avec lesquelles j’ai passé des heures délicieuses. Les poèmes de Christophe CORP et de mon autre ami Marc WETZEL ne sont pas les moins intéressants. Je vous conseille la pièce de Jaime ROCHA « Chauve-Souris » avec une belle présentation de Marc WETZEL (nous avions eu l’honneur d’accueillir jaime ROCHA à Grabels le 4 août 2011 pour la traditionnelle nuit du 4 août que notre équipe municipale consacre à la poésie dans un clin d’œil à l’abolition des privilèges). Bref si vous avez quelque influence sur une bibliothèque faites la s’abonner à la revue « Souffles » (info@souffles-lem.fr).
Enfin il y a les lectures romanesques qui peuplent mes nuits en temps de travail et mes journées en temps de vacances. Certes il ya des polars plus ou moins bien ficelés mais qui vous distraient toujours, il y a les romans qui vous déçoivent que je préfère taire ; j’ai apprécié le dernier William BOYD « L’attente de l’aube », une belle histoire de vie et d’espionnage entre 1913 et 1916 entre Vienne, Londres et Genève : sympathique mais pas un chef d’œuvre, comme si cet auteur brillant n’avait pas assez travaillé mais tout à fait plaisant à lire cependant. Il y a un grand Montalban de 1991 qui m’avait échappé « le labyrinthe grec », que tout le monde semblait connaître mais que je n’avais pas lu et je n’ai pas été déçu. Il y aussi l’extraordinaire roman américain de Paula FOX qui se déroule à la New Orléans « le dieu des cauchemars » qui date de 1990. Une vraie histoire humaine dans les profondeurs d’une ville fascinante qui traite de fait du prix que les femmes doivent payer pour vivre libres. Puis vient la perle de l’été. Une vraie révélation. « Eva dort » de Francesca MELANDRI aux éditions Gallimard. C’est le premier roman d’une scénariste et documentariste italienne de talent. Et c’est une réussite. Par une construction qui mélange l’espace – un long déplacement en train tout au long de l’Italie – et le temps – rappels historico-familiaux réguliers- elle traite à travers une histoire personnelle et humaine absolument poignante de la façon dont l’histoire (ici de l’Italie) marque nos vies et leur donne cette épaisseur et cette force qui nous fait homme ou femme. On y découvre le destin singulier du haut-Adige (ou Sud Tyrol pour les autrichiens) devenu arbitrairement italien en 1918 et qui à partir de là subit tous les aléas de l’histoire jusqu’à son combat pour l’autonomie en 1950 – 1960 avant que les années de plomb italiennes ne viennent semer leur confusion. On apprend beaucoup de choses sur la construction même de l’Italie et de son sentiment d’appartenance. On apprend beaucoup aussi sur le plurilinguisme, son utilité et ses effets. Sans oublier que la femme et l’amour sont les vrais protagonistes de cette histoire. Après un début de quelques pages un peu facile à mon goût, le reste est d’une grande tenue, d’une force au point qu’à la fin d’un chapitre un peu de respiration et de méditation est indispensable avant de s’attaquer au suivant. Je ne suis pas un critique littéraire. Je ne suis qu’un lecteur. Et ici je ne voulais que partager le bonheur de cette lecture d’été. Lisez « Eva dort» !
René REVOL
Reblogged this on bernard59047 and commented:
Excellent blog!
Comment faire mieux que le diffuser?