« Ni Rire, ni pleurer, mais comprendre » SPINOZA

Nous arrivons au terme d’une séquence électorale commencée il y a un an par la désignation de Jean-Luc Mélenchon comme candidat du Front de gauche. Cette séquence va s’achever dimanche 17 juin par les second tour des élections législatives : le travail n’est pas fini et d’ici dimanche les uns et les autres nous feront tout pour que la droite et l’extrême droite soient battus. Cela n’a rien de mécanique. Voilà pourquoi j’ai cette semaine mobilisé pour ce vote notamment dans la circonscription où j’étais candidat et cela en gardant une totale indépendance vis-à-vis du PS. Ceci dit à la veille de ce second tour je vous livre ici mes premières réflexions, et pour qu’elles suscitent débats et échanges entre nous.

Investir l’acquis de la campagne présidentielle.
Ne laissons pas la superficie médiatique occulter le mouvement de fond. La campagne de Jean-Luc Mélenchon au nom du Front de gauche a construit un socle durable pour les évènements qui viennent et pour offrir une alternative de gauche. Prenons la mesure de ce qui a été réalisé. Premièrement, un socle programmatique avec le programme de « l’Humain d’abord » ; il constitue désormais une référence politique pour des centaines de milliers de femmes et d’hommes, une référence pour toute la gauche pour les évènements qui viennent et ainsi il peut servir de base permanente à l’unité de l’autre gauche. Mais a été élaboré aussi un socle idéologique avec le concept de « la révolution citoyenne » dont les implications théoriques et pratiques sont considérables et qui ont peu été analysées ; cela constitue la base stratégique de la période mouvementée qui s’ouvre et renouvelle le combat émancipateur pour le XXIe siècle. Il en va de même du concept de « planification écologique ». On aura l’occasion d’approfondir ce corpus idéologique. Enfin troisième socle : la mise en mouvement d’une force militante et humaine considérable : le nombre et l’enthousiasme d’une nouvelle génération (de tous les âges !) qui rentre ou re-rentre en politique par la conviction et l’action et qui ne la quittera pas de si tôt. Cet acquis il s’agit désormais de voir comment ensemble nous allons l’investir dans le projet transformateur de la société qui passera dans le même mouvement par la transformation de la gauche. Mais maintenant quelques mots sur l’épisode législatif.

L’effet légitimiste.
Il faut se l’avouer clairement : nous (et je me mets dedans) avons sous estimé un effet institutionnel et politique. 2002 avait été particulier et en 1995 il n’y eut pas de dissolution. Nous n’avions que l’expérience récente de 2007 de l’inversion du calendrier. Après la présidentielle et le processus de légitimation que provoque l’élection d’un président, les élections législatives qui suivent dans un aussi court délai sont dominées par la volonté de confirmation de l’élection présidentielle. Cela est le fruit d’institutions antidémocratiques d’une monarchie républicaine unique en Europe. Le scrutin uninominal à deux tours par circonscriptions amplifie cet effet. Chacun sait qu’avec le même nombre de voix le Front de gauche aurait 40 députés avec un scrutin proportionnel alors qu’avec ce mode de scrutin il en aura une dizaine. Ce mécanisme a donc joué et a contribué à minorer notre représentation parlementaire. Mais cela ne fait pas disparaître notre présence populaire. Ce qui a amplifié cet effet malgré la qualité de nos campagnes présidentielles et législative c’est que le lendemain du 6 mai tout a été fait par le nouveau pouvoir socialiste d’occulter tout débat et de répéter en boucle « donnez une majorité au nouveau président ». Ce mur nous ne sommes pas arrivés à le percer.

Comment expliquer l’acharnement du PS contre le Front de gauche en général et contre Mélenchon en particulier ?
D’abord prenons la mesure de la rage dans la base du Front de gauche contre les dirigeants du PS. En effet, Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault n’ont guère eu le temps en 4 semaines de faire plus d’une cinquantaine de circonscriptions sur les 577 pour apporter leurs soutiens aux candidats PS et ils ont trouvé moyen de venir dans la 11ème du pas de Calais combattre personnellement la candidature de Mélenchon CONTRE Le Pen. On aurait pu penser au contraire qu’ils auraient pu choisir de faire de Mélenchon le candidat de la gauche contre la chef du FN. Plus grave en concentrant leurs coups sur Mélenchon ils aidaient directement Marine Le Pen et ils le savaient mais il est vrai que les dirigeants du PS ont une longue tradition d’utilisation du FN pour servir leur cause électorale. D’ailleurs il est révélateur qu’entre les deux tours ni Aubry, ni Ayrault n’ont trouvé le temps de revenir dans cette circonscription soutenir le candidat PS et appeler à la mobilisation générale contre Le Pen ; non ils ont préféré participer au feuilleton socialo-socialiste de La Rochelle ! Quelle misère intellectuelle et politique ! Plus grave encore quand Marine Le Pen reconnaît être l’auteur de faux tracts injurieux contre Mélenchon, quand celui-ci est comparé à Hitler, où est la protestation des dirigeants socialistes. Rien ; silence radio…Ce sont des responsables politiques intelligents. Cela ne peut pas être une omission. C’est délibéré. Ce cynisme politique est d’autant plus inadmissible que les mêmes sont bien contents d’accueillir les 4 millions de voix du Front de gauche sans lesquelles Hollande n’aurait pas été élu. Et idem aux législatives où les voix du Front de gauche sont réclamées pour battre la droite. Naturellement nous ne manquerons pas à l’appel pour battre la droite et l’extrême droite mais il est particulièrement important dans un tel contexte que le Front de Gauche conserve son autonomie politique. Cela dit, une telle volonté d’élimination du Front de gauche ne s’explique pas seulement par un calcul électoral, car quel danger représente 5 ou 10 députés de plus pour le Front de gauche. C’est Fabius qui a vendu la mèche quand il a souligné l’importance cruciale pour le gouvernement que la majorité parlementaire ne dépende pas du Front de gauche. En effet certaines mesures ne pourraient pas être votées dans un tel contexte parlementaire. On imagine clairement qu’il ne s’agit pas là des avancées sociales mais bien des mesures d’austérité même déguisées dans un habillage « de gauche ». Hollande comme Ayrault n’ont-ils pas parlé des « efforts nécessaires » qu’il faudrait demander aux Français ? Donc mes amis du Front de gauche, inutile de geindre après la « méchanceté » d’Aubry et du PS. Préparez vous à construire le refus de l’austérité et surtout préparons nous à faire front avec Syriza et les grecs pour une autre Europe. Cette question risque d’être posée dés le lendemain du 17 juin et les résultats grecs auront plus d’importance que ceux de France.

Un dernier mot sur la curée anti-Mélenchon : l’ignominie a été le fait de la droite entre les deux tours lorsqu’elle a repris les calomnies lancées par Le Pen tout çà pour mettre sur le même plan Front de gauche et Front national, afin de cacher que par son « ni,ni » la droite rongée par 5 ans de sarkozysme d’une droite décomplexée les digues entre droite et FN se fissurent de plus en plus dessinant ainsi les contours d’une nouvelle droite française. On aura l’occasion d’y revenir. Sur cette ignoble campagne contre Jean-Luc vous pouvez aussi lire son dernier billet sur son blog

Des résultats honorables.
La 2ème circonscription de l’Hérault (la seule intégralement montpellieraine) où j’étais le candidat du FdG avec ma candidate remplaçante Hind Emad, nous avons viré en troisième position devant le Front national avec 12,66% des voix. J’aurai l’occasion de revenir sur le détail des résultats bureaux par bureaux. Mais une analyse générale est possible immédiatement. Ce résultat est le meilleur du Front de gauche sur le département des 9 circonscriptions. Par ailleurs ma camarade du PG Myriam Hubert est aussi la seule à franchir la barre des 10% dans la 5ème où elle a fait une formidable campagne aux côtés de Serge Azaïs ( malgré le caractère tardif de sa désignation et le fait qu’une petite partie du Front de gauche a trainé les pieds pour des raisons d’ambitions personnelles qu’on croyaient réservées à la droite et au PS….Passons !). Notons aussi les bons résultats dans les autres circonscriptions : Sébastien Andral avec plus de 9%, Yvan Garcia avec plus de 8%, Frédérique Thonnat et Robert Trinquier tous les deux au dessus de 7%, sans oublier les plus de 6% de Barbazange à Béziers et les plus de 5% d’Annie-Claude Ottan, tous les deux dans des circonscriptions au contexte très difficile. Une moyenne supérieure à 8% sur le département et supérieure à 10% sur la ville de Montpellier : ce sont des bases solides dans le contexte national difficile que nous avons connu. Pour en rester à ma circonscription il y eut un formidable travail de terrain. Nous avons du affronter plusieurs obstacles :

  1. Premier, obstacle le vote légitimiste d’une ville et agglo socialiste depuis 1977 et fortement encadrée par les réseaux socialistes ; mais nous avons ressenti une crise de ce leadership socialiste depuis la disparition de Georges Frêche en octobre 2010. A ce sujet un journaliste a repris le titre du dernier roman d’Amis pour décrire le moment politique de cette ville « Le Montpellier politique est comme une « veuve enceinte » ; le père est mort et l’enfant n’est pas encore là ».

  2. Secondo, je suis Maire d’une commune qui ne se situait plus dans cette circonscription, suite au redécoupage Marleix et ainsi les effets de mon travail local étaient moins visibles même si de nombreux montpellierains m’ont dit dans cette campagne apprécier les réalisations de mon mandat municipal notamment sur les logements sociaux. ;

  3. Tertio, le suppléant désigné, ancien candidat Front de gauche aux cantonales, après avoir accepté quitte le Front de gauche brutalement dix jours avant le premier tour de la présidentielle et mène ouvertement campagne contre moi allant jusqu’à soutenir un candidat de droite « sans étiquette » ; on a fait face et avec nos amis communistes le Front de gauche a désigné comme suppléante la combative Hind Emad : comme me le disait l’une des figures militantes de ces quartiers populaires « On a largement gagné au change ! » ; certes, mais il nous a manqué du temps.

  4. Quarto, la campagne va justement être polluée par ce candidat « sans étiquette » (ex candidat UMP aux cantonales, ex candidat à la CCI et partisan de SarKozy) qui n’hésites pas à faire distribuer les billets de 50 € jusqu’à l’entrée des bureaux de vote et autres pratiques maffieuses (mais la population – y compris celle qui a pris les billets – lui fera payer cher en ne lui accordant que 3% !).

  5. Et enfin, petite mesquinerie secondaire, un ex-candidat PCF Front de gauche aux cantonales précédentes sur un des cantons de cette circonscription refuse d’appeler à voter par pure ambition personnelle, ce qui je le précise n’a pas du tout été suivi par les militants et responsables communistes et jeunesses communistes sur la ville qui se sont engagés sans réserves …  Tout ces obstacles, tout cela n’a pas finalement pesé bien lourd devant la mobilisation citoyenne qui a accompagné la campagne du Front de gauche dans cette circonscription. Ce territoire est désormais structuré par cinq assemblées citoyennes qui mobilisent des centaines de citoyens conscients et actifs qui constituent une force politique considérables sur toute la ville. Le maire de Montpellier, Hélène Mandroux, l’a reconnu à sa manière lorsqu’elle a salué que le Front de gauche était devenu la troisième force politique et la deuxième à gauche dans la ville. Calmement et avec méthode, dans le cadre d’un Front de gauche désormais élargissable au NPA unitaire, nous allons déployer cette force sur la ville à travers toutes les mobilisations citoyennes et sociales. Cette force en mouvement désormais à Montpellier rien ne peut l’arrêter et cette campagne législative a été une excellent école de construction et de maturité. En tout cas je prends toutes les dispositions pour rester au quotidien sur la ville et l’agglomération de Montpellier avec les Assemblées Citoyennes au cœur de leurs actions et de leurs initiatives.

Mélenchon et l’enjeu européen.
Ce qui ne voient la politique qu’à travers le petit bout de la lorgnette de la lutte des « places » se demandent ce que va faire désormais Mélenchon. Bien sûr que nous souhaitions tous au Front de Gauche l’avoir comme porte voix à l’Assemblée Nationale ! mais j’ai vu qu’il se remettait en mouvement : d’un côté il s’inscrit au Front de gauche de la 11ème circonscription du pas de calais et compte bien mener bataille auprés de tous ceux qui se sont rassemblés autour de lui dans cetet campagne. Le Pen ne pourra pas dormir tranquille. Par ailleurs député européen de la grande circonscription du Sud Ouest il m’a directement informé de sa volonté de reprendre les tournées qu’il faisait dans notre région avant la campagne présidentielle : il faut donc nous attendre à le revoir chaque mois entre Montpellier-Nimes et Toulouse ou Bordeaux. On prépare déjà activement ses prochaines venues. Mais l’essentiel n’est pas là. La crise européenne est déjà revenue au devant de la scène : Grèce, Espagne, Italie….le rouleau compresseur du défaut de paiement suit sa logique et s’apprête à saisir à la gorge tous les gouvernements européens. Et la bataille de Mélenchon et du Front de gauche pour refuser l’austérité et ouvrir une autre voie pour l’Europe va rentrer en résonance avec la montée de Syriza et celle de tous les peuples européens. J’y reviendrai en détail dés la semaine prochaine après les résultats des élections législatives…grecques !

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