Note du 14 mars 2012,
par Bruno Flacher.
Je réponds bien volontiers à l’invitation d’évoquer le FAME, ayant participé à Marseille aux Journées internationales de débat citoyen sur les enjeux locaux et mondiaux de l’eau (prélude les 9 et 10 mars au FAME) les Journées internationales de débat citoyen sur les enjeux locaux et mondiaux de l’eau. Ce colloque, organisé par la fondation France Libertés et le CRID, a débouché sur une déclaration intitulée « L’eau n’est pas une marchandise, c’est le bien commun de l’Humanité et du Vivant ». Pour télécharger la déclaration cliquez ici.
Des associations, ONG, élus, responsables de projets ont échangé sur des expériences riches et diverses mais qui toutes convergent : l’accès à l’eau et à son assainissement est un droit humain fondamental. La reconnaissance de ce droit par les Nations Unies en juillet 2010 est un pas important. Il s’agit à présent de le faire passer dans la vie.
Se sont exprimés des mouvements sociaux et citoyens, des élus et responsables de projets, souvent porteurs de réalisations concrètes. Deux exemples parmi bien d’autres :
En France, Anne Le Strat a parlé du retour en Régie publique de la ville de Paris. Gabriel Amard, a montré la démarche de l’implication citoyenne dans le retour en régie publique de la distribution de l’eau à Viry-Chatillon, avec ses acquis pour les usagers-citoyens : une gestion sociale de l’eau (gratuité pour les m3 indispensables et progressivité ensuite, souci de la qualité de l’eau, pérennisation des équipements, baisse d’1/3 du prix de l’eau, implication des usagers). Dans un ouvrage qui vient d’être réactualisé sont présentées 11 expériences, (dont celle du retour précurseur de l’eau en régie de Grenoble), Le guide de la gestion publique de l’eau, aux éditions Bruno Leprince. Se le procurer, c’est bénéficier de tous les arguments qui démontrent la légitimité et la faisabilité de la gestion publique de l’eau.
Les interventions les plus nombreuses furent celles des expériences dans le reste du monde. Elles s’inscrivent dans un très large mouvement dans le monde de réappropriation citoyenne des enjeux liés à l’eau, associant des organisations non-gouvernementales, des associations, des syndicats, des collectivités territoriales. Le FAME des 14 au 17 mars vont enrichir encore ce qui est à la fois très divers et exemplaire : le même souci de préserver ce bien vital qu’est l’eau, d’œuvrer à son accessibilité et à son assainissement pour tous se retrouve dans les pays les plus déshérités comme dans les pays dits avancés (la riche expérience de la ville de New York est de ce point de vue très intéressante : l’eau de qualité serait là aussi un bien rare s’il n’y avait la mobilisation conjointe des citoyens usagers, des autorités administratives et des agriculteurs du bassin versant ayant pris conscience des grands enjeux).
Un exemple m’a particulièrement frappé : le cinéaste algérien Hacène Ait Iftène, avec qui j’ai longuement échangé, a fait un documentaire « ça coule de sources », présenté au FAME : il montre comment un village de Kabylie en Algérie s’est pris totalement en charge pour l’adduction en eau potable, sa gestion et l’entretien du réseau. Une extraordinaire aventure de modestes villageois qui ont réalisé, entre leur village (à 800m d’altitude) et une source abondante à 1800m, des travaux de titans, par des travaux collectifs en pleine montagne du Djurdjura. Les autorités ont eu le culot d’en demander ensuite la gestion ; elles ont été fermement éconduites : l’eau restera gérée par les habitants et gratuite pour tous !
Le Forum alternatif mondial de l’eau se déroule du 14 au 17 mars à Marseille. Ce rassemblement citoyen international a lieu alors que se tient l’officiel Forum mondial de l’eau centré sur les intérêts des multinationales du secteur. Lors du Forum social de Dakar, l’appel de soutien au FAME disait clairement : le Conseil mondial de l’Eau, auto-désigné, et son Forum n’ont aucune légitimité, ni politique: ils ne représentent pas les peuples du monde; ni technique : leur bilan est un échec au regard des objectifs déclarés. Pour eux, l’eau est une marchandise, source de profits.
D’ici 2015, les 2/3 des contrats de gestion privée arrivent à terme. Si on ne veut pas faire confiance aux majors de l’eau, participer à la réappropriation citoyenne de ce bien public et indispensable à la vie, l’heure approche de passer aux actes.
Bruno Flacher.