Avec ce tableau de MOSS, mon ami, le peintre ex taulard et ambassadeur talentueux des arts singuliers, je vous souhaite à toutes et à tous une excellente année 2012.
Avant de développer cette note du Nouvel An, quelques mots sur ce blog. Quand une note est publiée vous êtes maintenant depuis quatre mois plus de mille quotidiennement à venir la lire. Naturellement il y a des pointes comme ce fut le cas dernièrement avec la vidéo du franco-grec Dimitri qui a été visionnée par 50 000 personnes. Votre fidélité m’engage et je vais essayer de publier une note par semaine. Je vous invite aussi à plus utiliser les commentaires et un peu moins des mails directs, pour lesquels je n’ai pas toujours le temps de répondre directement. N’hésitez pas à utiliser les commentaires comme lieu public de discussion. Par ailleurs dans les messages reçus j’ai deux avis contradictoires sur la longueur de mes notes : un petit nombre souhaitent des notes beaucoup plus brèves et le plus grand nombre au contraire me disent tenir aux argumentations élaborées sur lesquelles ils disent s’appuyer. Je décevrais les premiers en leur disant que je vais rester fidèle aux notes un peu longues. Pour les premiers je vais essayer de perfectionner l’architecture du blog pour mettre en évidence des idées ou informations saillantes. Puis ayant pris goût à la vidéo, je vais continuer à en user. Pour beaucoup d’entre nous le blog de Jean-Luc Mélenchon nous sert de nourriture régulière et mes remarques viennent souvent en complément. Par ailleurs des blogs comme celui du PG 34, ou du PG 30 ou du PG 12 (comme dans d’autres régions) jouent le rôle d’un véritable média alternatif aux médias dominant en soulignant des évènements ou des analyses étouffées par la médiacratie. Dans l’attente de vos réactions, voici mes réflexions du jour.
Après le bilan de l’année 2011 (ma précédente note du 19 décembre), marquée par des bouleversements majeurs (économiques et financiers, sociaux, écologiques, géopolitiques, européens…), qui ont surpris ceux qui préfèrent se rassurer en niant le réel et en refusant la prise en compte des lignes de forces et des fractures qui zèbrent le monde, nous devons avancer les yeux ouverts vers ce qui vient.
Crise financière : des pas de plus vers l’abîme.
La faillite financière dans la zone euro est inéluctable et plus personne ne croît aux rafistolages des « sommets de la dernière chance » répétitifs et inefficaces. Ainsi le dernier sommet du 9 décembre débouche-t-il sur un imbroglio à la fois technique, juridique et politique : comment mettre en œuvre par un nouveau traité un mécanisme contraignant de discipline budgétaire, tout en se dispensant de consulter les peuples dont ils craignent la réponse ? A la veille de Noël sont apparus des éléments intéressants :
D’abord, de grands groupes industriels européens commencent à prendre des dispositions protectrices pour faire face à un éventuel éclatement de la zone Euro.
Commencent par exemple à se négocier des assurances pour couvrir en dollars les actifs libellés en Euros, au cas où on revienne à des monnaies européennes nationales ; les capitalistes s’efforcent de se protéger contre un éclatement de l’Euro. Qu’importe que les salariés, retraités et chômeurs n’aient eux aucun moyen de se protéger. Le marché de la dette publique est toujours aussi vigoureux et spéculatif. Ne nous parviennent que les échos assourdis des négociations en cours de la décote de la dette grecque ; les fonds spéculatifs privés y participent es qualité et obtiennent des garanties extraordinaires : par exemple des contrats plus en droit grec mais en droit britannique qui offrent aux droits des créanciers de bien meilleures garanties. On voit même arriver de nouveaux prédateurs spéculatifs qui rachètent à très vil prix des titres de dette grecque et exigent à la table des négociations de fortes garanties et l’assurance ainsi de gros profits à la sortie. L’accord d’octobre sur la dette grecque (souvenez vous : « on a sauvé la Grèce ! On a sauvé l’Euro ! ») ne sert en fait qu’à garantir les profits des spéculateurs, avec la bénédiction du FMI, de la Commission, de la BCE et du gouvernement de Papadamos (Pasok, Droite, Extrême droite). Cela nous montre bien que la seule solution est l’annulation pure et simple de la dette illégitime ; bref que les créanciers payent et pas le peuple grec qui n’en peut mais.
Ensuite, la marche à la récession :
la grande majorité des analystes reconnaissent désormais les effets pro-cycliques désastreux des politiques d’austérité organisées conjointement dans tous les pays européens. Même ceux qui ont préconisé ces politiques ; ainsi Madame Laguarde (Christine The Guard of capitalism, comme la nomme un courrier d’une de mes anciennes étudiantes) s’inquiète des effets récessifs de politiques simultanées d’austérité dans la zone Euro…. politiques qu’elle avait pourtant expressément préconisé au dernier sommet du G20 ! Mais il ne suffit pas de dire il faut « aussi » de la croissance pour que cela règle quoi que ce soit…. Les dernières données économiques françaises de décembre confirment cette marche inexorable à la récession, car tombent en panne les quatre moteurs de l’activité économique :
1) Le moteur de la consommation des ménages (la plus grosse partie de la demande interne, autour de 60 à 70%, et la plus stable généralement) : décélération des achats y compris à Noël et montée extra-normale du taux d’épargne des ménages (17% du revenu disponible, ce qui est un record), traduisant une crainte de l’avenir. Consommation également marquée par une forte inégalité entre les ménages, puisque le nombre de pauvres et de chômeurs de longue durée vient de faire un bond.
2) le moteur de l’investissement des entreprises en équipements productifs : déjà la fin du trimestre se traduit par une baisse massive des commandes en biens d’équipement industriel mais les conjoncturistes s’attendent à une baisse nette de tous les investissements des entreprises d’environ 15% en 2011, ce qui là aussi serait un record !
3) Quant aux dépenses publiques (le troisième grand moteur de la demande dans les économies développées) inutile de vous dire que les coupes drastiques programmées dans notre pays commencent à faire sentir leurs effets. D’autant qu’outre les plans de rigueur de l’Etat central, le gouvernement veut, en abaissant sa contribution aux collectivités locales et en ayant réformé la fiscalité locale, contraindre celles-ci à réduire leur investissements. Or 77% des investissements publics sont le fait des collectivités locales ! Bref pour la première fois est systématisée la pratique d’une politique pro-cyclique en période de récession (« pro-cyclique » c’est-à-dire une politique qui va dans le sens du cycle descendant de l’économie au lieu de lui résister). Lors des récessions les plus récentes en 1993 ou en 2003 (pour ne pas parler des précédentes où c’était admis plus facilement) les pouvoirs publics, même les plus libéraux, avaient laissé filer les dépenses publiques, au risque de contrevenir au sacro saint 3%, pour servir d’amortisseur à la crise et contenir la montée du chômage. Désormais tout cela est jeté aux orties et quand l’activité se ralentit et que le chômage augmente, eh bien on redouble de pression sur le frein et on réduit encore l’activité… ce qui ne manque pas de rendre plus encore catastrophique la situation économique du pays.
4) Reste le 4eme moteur, la demande externe, soit les exportations vers les autres économies. C’est ce qui a fait le « secret » du modèle allemand : réduire les coûts salariaux internes notamment en faisant payer la protection sociale par les consommateurs via la TVA sociale et tout axer sur la compétitivité sur les marchés externes en majorité européens. Cela n’a été possible que parce que dans les autres pays européens la demande augmentait plus vite qu’en Allemagne, ce qui a été le cas de 2000 à 2008. Mais cela est fini et la récession à la fois subie et amplifiée par les politiques d’austérité frappe toute l’économie européenne, d’où la panne des exportations. Bref tout indique que nous allons avoir une hausse massive du chômage officiel comme déguisée en 2012 et qu’il faut s’attendre au pire.
Le beau cadeau de Noël !
Enfin le comble de cette veille des Fêtes fut cette décision de la BCE de débloquer prés de 500 milliards d’Euros de lignes de crédit aux banques européennes. Je l’avais noté dans mes notes précédentes du mois de décembre : nous nous orientions vers un « crédit crunch », un tarissement brutal du crédit, de tout le crédit et pas seulement celui des Etats, le crédit vers les ménages et surtout vers les entreprises (qui en ont eu toujours un grand besoin) étaient menacés. La cause en est connue : les banques ont privilégié leurs interventions sur les marchés financiers, tant comme débiteur que comme créancier, plutôt qu’auprès du réseau bancaire traditionnel. Leur sensibilité à la crise financière a déséquilibré leurs bilans, d’autant que ces mêmes banques accumulaient des titres de dettes publiques grecques, portugaises, italiennes ou espagnoles, titres éminemment dangereux et risqués pour qui cherche un profit rapide et sûr. Et dés la mi-décembre les notes issues des services économiques des grandes banques françaises annonçaient le risque d’un « grave incident de crédit ». Plusieurs signes identiques se sont manifestés dans toute la zone euro. Notamment les banques se font de moins en moins confiance entre elles et le marché interbancaire s’assèche.
Nous risquions d’avoir la conjonction de la crise de la dette des Etats et d’une crise majeure du crédit privé (d’une ampleur au moins égale à celle de l’automne 2008 qui avait suivi la faillite de Lehman Brothers, ce qui avait entraîné la récession du premier semestre 2009). Devant cette conjonction catastrophique (puisque les Etats n’auraient pas pu faire le même plan de relance qu’en 2009), la BCE s’est décidée de faire un cadeau de Noël aux banques en augmentant sa capacité de création monétaire de 500 milliards d’Euros de crédits à un taux proche de zéro. En soi une telle contribution n’est pas condamnable : que la BCE joue son rôle de prêteur en dernier ressort est logique et nécessaire dans toute économie monétaire quelque soit son organisation par ailleurs. Notons d’abord que lorsque l’on a suggéré (comme le fait depuis un an Jean-Luc Mélenchon) que la BCE ouvre le même crédit au même taux aux Etats endettés en rachetant massivement leurs dettes, que n’a-t-on entendu : « Vous n’y pensez pas ! Créer d’un coup une augmentation de 500 milliards de la masse monétaire aura un effet inflationniste catastrophique ! Et cela créera parmi les gouvernements concernés un comportement laxiste (nos économistes distingués appellent çà un « aléa moral ») qui aggravera la dette ». Et voilà que créer 500 milliards d’Euros supplémentaires au profit des banques n’a aucun effet inflationniste ! Quel aveu ! Car chacun sait qu’on n’est pas en situation de risque inflationniste mais bien de récession et de risque déflationniste. Bref vérité pour les banques mais mensonge pour les Etats !
Bon maintenant que vont faire les banques de ces 500 milliards ? Des facilités de crédit aux entreprises et aux PME pour qu’elles réalisent les investissements programmés actuellement bloqués ? Des facilités de crédit aux ménages qui achètent un bien d’équipement ou un logement ? Des facilités de crédit aux communes ou départements ou régions qui ont programmé écoles, collèges et lycées ? Et bien NON ! La lecture attentive de la presse économique, des blogs et notes bancaires de cette période de fêtes nous apprend que les banques n’envisagent en rien de financer prioritairement l’économie réelle ! A peine le crédit central fut-il consenti, les banques se sont précipitées pour acheter des titres de dettes italiennes et espagnoles. Pourquoi ? Et bien si on vous prête à taux zéro et que vous pouvez utiliser cet argent immédiatement en achetant des titres au taux d’au moins 6%, qui est le gagnant à votre avis ? Bref la BCE, en interdisant d’un côté le financement des Etats et en autorisant de l’autre celui des banques, vient de relancer de manière prodigieuse la spéculation sur les dettes publiques européennes qui sert de carcan à l’imposition de politiques d’austérité. On n’en attendait pas moins de son nouveau directeur, Monsieur Draghi, ancien responsable Europe de Goldman Sachs et conseiller du gouvernement conservateur grec de Caramanlis qui a si bien camouflé les comptes grecs pour le plus grand bien des spéculateurs et pour le plus grand malheur du peuple grec.
Donc l’intervention de la BCE devrait se faire dans le cadre d’un service public bancaire entièrement axé sur le financement de l’économie réelle : cela suppose d’abord la main mise sur les profits fabuleux des banques. Ainsi nous venons d’apprendre les résultats des banques pour 2011 : BNP PARIBAS a un résultat net de 7,8 milliard d’€uros ; la SOCIETE GENERALE a un résultat net de 3,9 milliard d’€uros et le CMS-CIC a un résultat net de 2,3 milliard d’€uros ! Et plus encore si de surcroît on saisit l’immense majorité des salaires de leurs dirigeants en ne leur laissant que 20 fois le Smic, ce qui devrait suffire, n’est ce pas. Il y a de la marge ; jugez vous-même : Le patron de la SOCIETE GENERALE a perçu : salaire fixe 850 000 € + salaire variable 4 070 000 ; Le patron de BNP PARIBAS a perçu : salaire fixe 950 000 € + salaire variable 5 248 000 € ; Le patron du CREDIT AGRICOLE a perçu : salaire fixe 750 000 € + salaire variable 916 000 € ; et le patron de BFCE a perçu : salaire fixe 550 000 € + salaire variable 1 056 000 € ! Cela est d’autant plus scandaleux que le budget 2012 qui vient d’être voté impose toute une série de mesures qui vont signifier une baisse du pouvoir d’achat des classes populaires ne serait-ce que par le relèvement à 7% de la TVA réduite. Cette fin d’année confirme bien l’axe des politiques suivies : des cadeaux pour les banques et des coups pour les peuples !
Tout cela, qui mène au chaos économique et social, implique la construction collective d’une voie nouvelle qui passe par l’irruption d’une alternative radicale dans le champ politique.
Sarkozy et sa cohérence.
Au moment où j’écris ces lignes je ne sais pas ce que sera le contenu des vœux présidentiels, mais au vu de ce qui se dessine Nicolas Sarkozy a décidé de ne pas se contenter des seuls camouflages habituels (à travers l’affirmation péremptoire de contrevérités évidentes). Il est déterminé à profiter de la crise pour faire passer les réformes libérales structurelles modifiant profondément le modèle social. Aussi passe t il à l’attaque dés janvier en convoquant le 18 un « sommet pour l’emploi » avec effectivement ces deux objectifs : d’un côté un camouflage communicationnel pour faire croire qu’on agit contre la crise et le chômage, et d’un autre côté mettre en place une remise en cause profonde du contrat de travail à durée indéterminée en généralisant les procédures de flexibilisation de toutes sortes, à commencer par celle du temps de travail. Le passage en force en même temps d’une loi sur le service minimum dans les transports aériens comme l’usage pour la première fois des policiers pour remplacer des grévistes ouvrent le champ des possibles pour une remise en cause du droit de grève. Sarkozy a fait le choix d’une stratégie de choc pour les élections présidentielles pour présenter une cohérence libérale-sécuritaire face à la crise. Cela n’empêche pas l’esquive sur les questions les moins populaires dans l’opinion mais çà n’enlève rien à la cohérence du positionnement et du programme. Je l’avais déjà remarqué dans une note précédente : Comment expliquer une politique aussi irrationnelle que de préconiser l’austérité dans tous les pays en même temps ? Certes pour certains il ya l’aveuglement et la routine de ceux qui se sont soumis aux dogmes libéraux et qui sont incapables de penser autre chose ; certes pour d’autres, notamment les investisseurs financiers, la pensée n’étant axée que sur le rendement à court terme ils ne pensent jamais aux effets à long terme de leurs comportements optimisateurs à court terme ; mais je crois surtout que pour la grande majorité des dirigeants politiques et économiques européens, leur politique d’austérité généralisée n’est pas une erreur mais une stratégie : Une volonté cohérente d’utiliser l’opportunité de la crise pour réaliser le programme d’une transformation libérale profonde de notre système économique et social.
Face à cette attitude, la seule stratégie est d’opposer une autre cohérence, contradictoire à celle qui nous a menés dans cette impasse.
De quoi est faite une autre cohérence ?
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De relance économique et non d’austérité,
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De mainmise publique sur les banques et les marchés financiers au lieu de s’y soumettre,
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De redistribution massive vers les classes populaires pour qu’elles soient mieux protégées face à la crise au lieu des éternels cadeaux aux plus riches,
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De planification de la transition écologique au lieu de vœux pieux pour que rien ne change,
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De mise en place d’une démocratie véritable en changeant de République bannissant la monarchie républicaine de la Ve République !
Une telle cohérence, lorsqu’elle est déclinée avec les mots simples que tous comprennent, n’apparaît pas comme un programme partisan mais comme la conséquence logique de l’intérêt général appliqué à la situation d’urgence à laquelle nos sociétés sont confrontées. Le Front de gauche dans sa démarche unitaire et populaire a patiemment construit au cours des trois dernières années le programme de cette autre cohérence contre les politiques dominantes de soumission au capitalisme financiarisé et mondialisé. Le programme partagé « L’humain d’abord ! » n’est pas sorti du chapeau mais est le résultat de l’expérience de trois années de construction du Front de gauche à la fois dans les luttes, comme celle des retraites en 2010, ou dans les urnes après les percées successives des européennes en 2009, des régionales en 2010, des cantonales en 2011.
Si on compare ce processus avec celui du PS on comprend d’où vient son vide programmatique qui nous fait enrager car une telle inconsistance menace l’avenir de la gauche dans notre pays. En effet le PS n’a pas du tout fait l’effort de penser la crise radicale du capitalisme financiarisé et a cru s’exonérer de cette remise en cause en s’en remettant au candidat « sauveur suprême » ; ce fut pendant l’élaboration de leur programme DSK jusqu’à sa chute en mai 2011 dans le Sofitel de New-York. On se contentait de répéter les formules creuses sur la régulation du capitalisme et de miser sur le rejet du sortant pour mettre un « compétent » à sa place…. La profondeur de la crise exigeait déjà une réponse d’une autre nature. La désignation de Hollande n’a rien changé puisqu’il a gagné la primaire sur la seule idée qu’il était le mieux à même de rassembler pour battre Sarkozy et donc implicitement le seul capable de remplacer DSK dans le rôle de sauveur. Mais l’indigence du programme du PS, complètement en porte à faux avec l’approfondissement de la crise, n’en demeure pas moins et est la cause profonde de la vacuité que semble dégager Hollande. Le « capitaine de pédalo » n’était pas qu’un bon mot ; c’était un constat qui ensuite s’est imposé à nombre d’observateurs, y compris socialistes. La rage que certains ont eue contre ce mot (y compris dans un public socialiste qui m’est proche) n’était que la rage de sentir que ce mot touchait juste là où çà fait mal. Disons le tout net : la paralysie « hollandaise » de ce mois de décembre fait mal à toute la gauche et c’est l’honneur du Front de gauche de porter l’autre cohérence (pensons à l’éclatement de 2007 pour mesurer l’importance du front de gauche). L’impuissance socialiste si elle devait s’accentuer peut s’avérer désastreuse.
La mise en scène de Bayrou ces dernières semaines est tout à fait instructive : début décembre, Mélenchon était devenu avec 8 ou 9% le quatrième dans les sondages ! A l’époque j’avais entendu un éditorialiste (sur la complaisante émission pour la pensée unique « C dans l’air »sur la 5 – vous savez l’émission qui invite toujours les mêmes du même bord et qui vient de s’illustrer par une charge anticommuniste digne de McCarthy) exprimer son effroi devant la perspective d’une campagne électorale avec un plateau télé avec Sarkozy, Hollande, Le Pen, Mélenchon, suivi de son lot de commentaires sur les risques d’une « dérive populiste à droite comme à gauche ». Et alors est arrivé la mise en scène de Bayrou qui est pourtant un des chantres de l’austérité européenne qui nous mène dans le mur. Le « cercle de la raison », le cénacle des raisonnables, avait trouvé son troisième homme qui pouvait se nourrir à la fois de la déception du sarkozysme et de l’hésitation intrinsèque de Hollande. Il avait joué ce rôle en 2007 dans la dernière ligne droite en utilisant à la fois le refus de Sarkozy et l’inconsistance de Ségolène Royal (cette dernière allant jouer de la mandoline sous le balcon de Bayrou entre les deux tours ! Quelle honte !). Mais outre le fait que c’est un peu trop tôt pour durer, son problème est sa profonde inconsistance en termes de programme alternatif et de forces sociales mobilisées. Cela s’était vérifié en 2007 par le dégonflement magistral de son électorat dés le lendemain de l’élection. Aujourd’hui trois éléments s’ajoutent : 1) le produit est usé, sans réponse à la crise, reprenant totalement à son compte le dispositif européen. 2) Sarkozy fait sa promotion ; il fait tout pour qu’il ne reste que lui (Borloo éliminé, et ce sera le cas de Boutin, Morin et Villepin). C’est sa ressource pour faire écran et sa réserve de voix qu’il compte avoir pour le deuxième tour. Cela se verra de plus en plus dans le choc des quatre mois de campagne, surtout s’il y a des candidats pour poser haut et fort les bonnes questions – par exemple en mars quand il faudra voter pour ou contre le nouveau traité et sa règle d’or ! 3) Enfin et surtout l’autre gauche n’est plus éparpillée mais pour l’essentiel rassemblée autour du Front de gauche avec à la fois un candidat populaire et un programme cohérent d’alternative.
Union nationale ou Front Populaire ?
Mais il y a un contenu politique plus important à la mise en scène de Bayrou. Il a mis au centre de sa campagne l’idée d’ « un gouvernement d’union nationale qui rassemble la droite et la gauche pour sauver le pays face à la crise ». Il ne faut pas sous estimer ni l’impact ni le rôle de cette proposition. La profondeur de la crise et la faillite précédente des différents gouvernements peut pousser une opinion déboussolée vers ce genre de propositions ; cet engouement ne durera pas tant le choc des évènements fera sauter une telle alliance, mais elle peut servir un temps comme on la voit aujourd’hui à l’œuvre en Grèce (où je le rappelle pour la première fois depuis la chute du régime des colonels l’extrême droite fascisante est rentrée au gouvernement acceptée par la Nouvelle Démocratie (droite) et le Pasok) ou en partie en Italie. Cette proposition d’Union nationale remplit un office politique précis : devant l’incapacité à un moment du parti au pouvoir à mettre en œuvre les réformes néolibérales, l’union nationale est le dernier moyen pour passer en force et éviter des solutions radicales comme celles proposées par le Front de gauche. Bayrou a décidé de représenter cette issue. C’est dans cette direction aussi que Cohn-Bendit (l’ex libertaire transformé en libéral teinté de vert pale) s’est engagé en proposant que Sarkozy réunisse tous les candidats Hollande, Joly, Bayrou et Mélenchon pour discuter d’une réponse unie face à la crise. Comme un premier pas vers l’union nationale. Notons d’une part que Cohn-Bendit omet volontairement Marine Le Pen, lui laissant le monopole de l’opposition, qu’on pourra ainsi ensuite mieux stigmatiser pour endormir la majorité. Bayrou a applaudi. Hollande a immédiatement donné son accord. Eva Joly a fait la moue en approuvant mollement. Seul Jean-Luc Mélenchon a refusé ce premier pas vers l’union nationale et il a eu entièrement raison. Comment lutter contre la crise avec ceux là mêmes qui nous ont conduits à la catastrophe ? Relisez vos livres d’histoire sur les années trente : face à la crise pour éviter le Front Populaire les élites ont essayé les formules d’Union nationale ; pensez aux gouvernements français de 1934 et 1935 (notamment le gouvernement Laval de 1935) ; c’était même la proposition du général Hindenburg qui présidait la République de Weimar lorsqu’il proposa en 1932 différents gouvernements d’« l’union nationale »…..avant de nommer chancelier en janvier 1933 un certain Hitler….
Oui, voir ce qui vient les yeux ouverts.
Nous vivons une époque aussi terrible et dangereuse que l’entre deux guerres. Certes, comparaison n’est pas raison : les ingrédients et le déroulé ne sont pas les mêmes ; mais l’ampleur de la crise civilisationnelle est identique et appelle la formation d’une perspective cohérente de sortie de crise, un projet de progrès humain, un programme capable de nous y mener et un ensemble de femmes et d’hommes unis et déterminés pour accompagner les peuples dans leurs luttes émancipatrices. Cette élection présidentielle n’est pas un quitte ou double, un simple jeu électoral ; C’est un moment décisif de la construction collective de ce projet émancipateur.
J’ai commencé ma vie politique et sociale en 1965 à l’âge de 17 ans et j’ai vécu comme acteur impliqué la plus grande grève générale de notre histoire : mai 1968 qui a vu 13 millions de salariés interrompre totalement le travail pendant plus de trois semaines. Une irruption populaire sans précédent loin de ce que les livres d’histoire qui aujourd’hui la réduisent à une simple insurrection étudiante. J’ai le sentiment profond (appuyé à la fois sur une analyse rationnelle et une intuition de la situation) que nous marchons vers une fracture sociale encore plus grande. Or mai 68 m’a au moins appris quelque chose : les peuples peuvent réaliser les mouvements sociaux les plus vastes et les plus profonds, cela ne suffit pas. Uneperspective politique palpable et capable de se mettre en œuvre est indispensable. Les marxistes d’autrefois se sont beaucoup disputés sur le lien entre développement du mouvement social et prise du pouvoir politique ; si on fait abstraction d’un langage dépassé et suranné, cet héritage idéologique est instructif. Le régime d’accumulation du capitalisme financiarisé est à l’agonie dans une conjonction mondiale des événements exceptionnelle (et cette agonie peut durer avec son lot de malheurs). L’Europe est à l’épicentre du tremblement de terre. D’Europe et de France en particulier peut surgir une voie nouvelle, une perspective émancipatrice. Dans toutes les mobilisations sociales, démocratiques, citoyennes nous avons la responsabilité de bâtir une issue politique organisée. Le Front de gauche est un moyen unique au compte de toute la gauche pour essayer de réaliser cet objectif.
Bon courage à tous pour cette année d’exception !
René REVOL
Merci René pour cette mise en perspective utile.Tellement que je viens de la faire suivre sur la mailing list des adhérents de l’UNIVERSITE POPULAIRE ET REPUBLICAINE A MARSEILLE à laquelle tu avais bien voulu participer à son début voici déjà 4 ans…
Se met en place à Marseille un COMITE POUR l’AUDIT CITOYEN DE LA DETTE,il est assez large et démarre en public le 17 février dans un théâtre connu pour son engagement ancien pour la culture populaire :Le THEATRE TOURSKY de Richard MARTIN .Sont prévu des ateliers décentralisés..Nous agirons pour que ce débat complexe soit aussi présent dans les quartiers populaires de la ville ,comme nous avons commencé de le faire avec l’UPR depuis l’an passé.
Bon courage à toi et à tous ! GERARD PERRIER à Marseille.
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/12/29/la-loi-pompidou-giscard-rothschild-votee-en-1973-empecherait-l-etat-de-battre-monnaie_1623299_3232.html
Mon texte sur le site du Monde fait aussi l’objet de 44 réactions sur le site « Français de souche » où Etienne Chouard est acclamé :
http://fdesouche.com/2011/12/30/le-monde-la-dette-les-banques-et-l-extreme-droite/
Notre collègue et ami commun ALAIN BEITONE DE MARSEILLE A PUBLIE CETTE TRIBUNE DANS LE MONDE (lien première ligne).
Voici sur le site « FRANCAIS DE SOUCHE « ( second lien ci_dessus) qu’ ETIENNE CHOUARD dont on se souvient du rôle dans l’opposition au TCE en 2005 est enrôlé contre ALAIN BEITONE ….. qu’on se le dise..l’extrême -droite est active sur la question de « consommer français » que j’ai entendu aussi au PS .. oui Union nationale contre Front Populaire ..et avec des glissements dangereux même chez certains « anti libéraux » ! Affaire à suivre .GP
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Alain Beitone
29 rue fongate
13006 Marseille
06 14 30 54 08
Dans la famille Perrier, y’a mieux.
votre idole du lycée Thiers de Marseille avec son dictionnaire, vous auriez pu vous le garder.
Entretenir l’idée d’une crise de gouvernance de la zone euro, c’est un point de vue atlantiste visant à détruire le cadre de l’Etat pour mieux détruire le Socialisme.
Ici c’est le midi rouge, si vous n’êtes pas socialiste, abstenez-vous de faire de la politique !
bien sûr que la BCE pourrait financer les Etats !
Je ne savais pas que kate faisait de la peinture.
( elle sait tout faire )
C’est le mouvement qui crée la perspective, jamais l’inverse.
Samy Johsua
Dans un article de son blog, intitulé « Avancer les yeux ouverts vers ce qui vient. », René Revol aborde la nouvelle phase de la crise européenne. Mon court commentaire n’est pas consacré à ce sujet importantissime, mais à une incidente, mise en exergue à la fin du billet où Revol dit : « Or mai 68 m’a au moins appris quelque chose : les peuples peuvent réaliser les mouvements
sociaux les plus vastes et les plus profonds, cela ne suffit pas. Une perspective politique palpable et capable de se mettre en œuvre est indispensable. »
L’argument paraît imparable, il est d’ailleurs repris régulièrement par le FG (et encore par Mélenchon dans sa confrontation avec Besancenot pour « Regards »). Mais il est faux ! Que l’on se place dans la perspective historique ou dans les détails de chacune période.
En France aucune des Républiques successives, y compris la première, chère à Mélenchon, ne s’est installée avec le préalable d’une « perspective politique ». Des révolutions, de tout type (ratée, réussie, inachevée, réprimée), on n’en manque pas. Avec ce préalable, pas une seule.
On a eu en revanche trois secousses brutales en 80 ans : juin 1936, 1944, mai 1968. On peut les relier à l’essentiel des grandes conquête sociales.
36, le Front Populaire. Il faudra bien un jour reprendre le débat sur 36. Certes il s’agit d’un cas (exceptionnel et même unique en France) de combinaison complexe entre processus de rupture sociaux et électoraux. Mais quand on parle de 36, est-ce de la victoire du Front Populaire ou de la grève générale ? Ou des deux ? Je défends d’une manière constante que, en France, ce n’est jamais principalement la « perspective politique » qui crée le mouvement, mais l’inverse. C’est 68 qui permet l’Union de la Gauche (une fois éliminée la portée révolutionnaire de la grève générale) et ensuite 81. Pas l’inverse. Et 36 n’échappe pas à la règle. C’est 34 qui ouvre le bal et donne la possibilité électorale de ce qui est aussi un dévoiement par l’alliance avec le Parti Radical. Lequel rappelons-le est à l’époque le principal parti de la bourgeoisie, dont l’ancrage « à gauche » n’est plus qu’un souvenir commode. Une alliance très modérée sur le programme. La droite perd donc les élections. Patience dit Blum ! Mais la grève démarre, s’étend, puis explose. C’est d’elle (et d’elle seule) que procèdent tous les succès sociaux, dont les fameux congés payés et la semaine de 40 heures qui n’étaient pas dans le programme du front électoral de gauche.
De plus, c’est le même gouvernement de Front Populaire qui défendra la non-intervention en Espagne. Et c’est la même Chambre qui votera les pleins pouvoirs à Pétain. Il est bon de s’en souvenir.
La Libération. Tous les acquis sociaux sont contenus dans le programme du Conseil National de la Résistance. Loin « des urnes », il lui a fallu pour naître une guerre mondiale (excusez du peu) et la Résistance. Certes, il ne s’agit pas d’un programme socialiste. Mais il prévoit quand même, entre autres, la nationalisation de l’énergie, des assurances et des banques, la création de la Sécurité sociale, le droit de vote pour les femmes.
Mai 68. Qui, outre René Revol et ceux qui défendent avec ardeur la primauté de « la perspective politique » se souvient que les élections de juin 68 ont vu un raz-de-marée historique en faveur de la droite ? Demandez autour de vous ce qu’évoque l’année 68 et il n’y aura pas photo. Et en l’occurrence la mémoire populaire a raison. Élections ou pas, le Joli Mai a bouleversé les consciences et les rapports de force, et, indépendamment même des maigres avancées des accords de Grenelle, le ton sera donné pour plus de dix ans. La poussée du mouvement des femmes arrachera le droit à l’avortement… d’un gouvernement de droite. Même la construction du PS d’Épinay et son succès de 1981 ne sont que les ombres portées du grand ébranlement.
De plus si on suit Revol et le FG est-ce à dire que dans les pays, nombreux, de bipartisme consensuel, jamais aucun mouvement social ne peut obtenir des évolutions majeures inscrites dans la Loi ? On fait quoi du mouvement pour les droits civiques aux USA ?
Et encore plus. La plupart des succès sociaux du 20e siècle ont été actés par… des gouvernements de droite. La sécurité sociale comme droit reconnu globalement ? C’est Beveridge (économiste libéral converti au keynésiannisme) qui l’élabore sur demande… de Churchill (de droite, est-il utile de le rappeler ?) en pleine guerre. C’est le gouvernement De Gaulle qui l’établit en France. Le SMIG (qui deviendra SMIC), une conquête si importante ? Le gouvernement Bidault (MRP) en 1950. La reconnaissance des sections d’entreprise ? De Gaulle encore, après 68. La libéralisation du droit au divorce, le vote à 18 ans, le droit à l’avortement ? : Giscard. Et avant, l’impôt sur le revenu progressif ? Une Assemblée à majorité radicale, un Sénat de droite. La loi laïque de 1905 ? Pareil (un gouvernement « républicain opportuniste », avec l’appui du dehors de Jaurès, mais l’opposition de nombre de socialistes). Et les reculs les plus importants sur le dernier demi-siècle avant Sarko, ils viennent d’où ? Ces reculs sont actés par des gouvernements de gauche, dont, principalement ceux de Fabius et Bérégovoy.
Comment expliquer un tel mystère, le prolongement de la mobilisation populaire acté soit par un gouvernement de gauche soit par un gouvernement de droite ? C’est que, pour l’essentiel, les conquêtes sociales sont non seulement un effet des luttes (là on sera tous d’accord), mais un effet de période, des rapports de force. Qu’ils soient favorables, et tous les gouvernements, de droite comme de gauche, devront l’enregistrer. Qu’ils tournent en notre défaveur, et ces gouvernements seront conduits aux mêmes politiques réactionnaires. Nous avons sous les yeux la manière commune dont les gouvernements gèrent la crise de la dette, sans que leur couleur électorale ne joue le moindre rôle significatif.
Entendons nous. Ce qui serait bien est d’avoir le beurre et l’argent du beurre, le mouvement social et la perspective globale de rupture. Evidemment. Tout le monde admettra aisément qu’en deux siècles en France, personne n’y est parvenu. Et que la solution de l’équation doit être particulièrement bien cachée personne (parti, collectif ou individu) ne l’ait encore débusquée. Mais (c’est le seul sens de ce texte), penser que l’on pourrait suppléer une mobilisation sociale atone par une « perspective » aussi élaborée soit-elle n’est à coup sûr pas dans la série des solutions possibles.
on le savait déjà :
des urnes n’est jamais sortie la victoire d’un combat social.
c’est comme ça qu’on dit.
tout le monde le sait
et c’est pas la peine de faire une rétrospective historique à la noix.
merci d’aller vous exprimer, je ne sais pas moi,
sur le forum moumoute redskins pour homme.
Je ne sais qui vous êtes.
ça fait deux réponses que vous me faites en bois brut, genre rustaud. Vous travaillez le doigt sur la gâchette. C’est pas de notre monde manifestement .
Bonjour René,
tous nos voeux se rejoignent, à l’orée d’une année qui s’annonce pleine d’incertitudes et de promesses, tant sur le plan collectif que sur le plan individuel… Puisse-t-elle nous apporter la concrétisation de nos espoirs! je la pressens pour ma part riche de potentialités poétiques, de soirées et de moments de convivialité et de bonheur partagés.
je souhaite pour toi la mise en oeuvre de tous tes souhaits politiques, et t’assure de mon attention et de mon engagement pour que tu puisses les réaliser.
très cordialement,
Jean Gelbseiden
attendez un instant,
pour qu’il n’y ait pas de malentendus, la série Scènes de ménages,
c’est sur M 6.
Quel plaisir, Monsieur Revol, de vous retrouvez ! Je vois que vous conserver votre éloquence et votre sens de la synthèse. J’ai bien aimé aimé votre discours (presque autant que votre livre sur la PAC à l’époque !)….. Je reviendrai donc lire vos notes, j’espère qu’elles seront stimulantes!
Cordialement,