L’effet Dimitri, sur l’année 2011 on avait vu juste, la question majeure du traité européen à venir et souvenir sur Vaclav Havel !

Note du 19 décembre 2011                

L’effet Dimitri.
Saluons d’abord le succès sur le réseau de la vidéo que j’ai posté dans ma note précédente. C’était le témoignage d’un franco grec Dimitri de retour de Grèce à l’assemblée citoyenne de ma commune, Grabels. Elle a été visionnée plus de 34 000 fois ; elle a touché le cœur et les tripes de femmes et d’hommes dans notre pays. Cela a permis à chacun de mesurer les conséquences humaines précises des politiques pratiquées en Europe. Un jeune bloggeur de Valenciennes vient de m’écrire cette phrase choc : « grâce à cette vidéo, je suis passé de la nécessité de l’indignation, à la nécessité de l’insurrection ! ». Si vous ne l’avez pas encore diffusée dans votre réseau et votre carnet d’adresse, n’hésitez pas car vous ferez œuvre utile à l’éducation populaire et à la préparation à la résistance au nouvel ordre austéritaire.

 Un an après.
J’ai ouvert ce blog il y a un peu plus d’un an et n’hésitez pas à relire ma note du 3 janvier  où je présentais mes vœux. Elle était titrée « Et si 2011 était plus important que 2012 ». A l’époque la doxa dominante consistait à dire que nous allions bientôt sortir de la crise, notamment en suivant les bons conseils du docteur DSK qui du haut du FMI menait le monde financier et en France nous devions nous préparer à son triomphe électoral en 2012. Et opportunément on sortait un sondage où Mélenchon était devancé par Besancenot, Borloo, Villepin ou Nicolas Hulot…..je me souviens même d’un dirigeant socialiste de l’Hérault qui a parié avec moi une bouteille de champagne que Mélenchon ne serait jamais désigné par les communistes…..Ne croyez pas que les gens n’ont pas de mémoire. Tout le monde se souvient de cet enfumage. Car comme le dit si bien un militant apiculteur rencontré au Vigan : « Quand on veut tirer un rayon de miel, il faut bien enfumer les abeilles ! ».  Bref en ce début janvier 2011 il ne fallait pas céder à la domination de l’opinion et si vous voulez vous distraire allez sur les blogs des dirigeants de droite comme socialistes (et de quelques autres enfumeurs et  enfumés) pour lire leurs vœux 2011…Cela vous vaccinera pour leurs vœux 2012.

A l’époque j’annonçais, sans savoir comment cela allait se matérialiser, une crise majeure de la dette des Etats développés entraînant une crise de l’Euro et, au vu des axes choisis pour les politiques économiques, une récession européenne puis mondiale. Exactement le déroulé qui s’est produit. J’annonçais que cette crise économique et sociale servirait de base à une offensive des libéraux et socio-libéraux au pouvoir contre le modèle social protecteur en Europe. Ils ont dépassé mes prévisions. Par ailleurs j’annonçais que cette crise se couplerait avec une crise écologique fondamentale ; la catastrophe japonaise qui a glacé le monde d’effroi est venu vérifier ce pronostic et a abouti à isoler le lobby nucléaire dans l’opinion mondiale. L’année se finit sur le désolant sommet de Durban qui amène tous les experts à prévoir un réchauffement de la planète de 3 à 4° dans le siècle menaçant l’équilibre de l’éco système humain. J’annonçais aussi une crise alimentaire, publiquement vérifiée dans la corne de l’Afrique, et plus souterraine à travers l’augmentation de la population mondiale sous et mal nourrie. Mais j’annonçais aussi que le dispositif des forces ne pouvait éviter qu’un choc révolutionnaire se produise ici ou là. La révolution tunisienne puis égyptienne et leur onde de choc à Bahreïn, à Aden, en Lybie, en Israël, en Syrie …a largement confirmé le pronostic. Quant à la scène politique française, j’annonçais que « nous n’irions pas en pente douce jusqu’en 2012 » ; le moins qu’on puisse dire c’est que le chemin a été accidenté :  le contingent d’un incident dans un hôtel newyorkais a réalisé la nécessité politique qu’un directeur du FMI ne pouvait pas représenter la gauche en France….Borloo le sauveur de la droite s’est évaporé…l’écologiste des multinationales Nicolas Hulot, bien que porté aux nues par l’élite médiatique, s’est fait balayer….Quant à Besancenot il a craqué sous l’effet de la contradiction entre d’une part sa popularité et d’autre part l’absence totale d’usage qu’il pouvait en faire vu la politique d’isolement sectaire qu’il portait avec son organisation.

Pas d’action politique sérieuse sans une solide théorie.
Si je suis revenu sur cette note du 3 janvier 2011 c’est à la demande d’un jeune sympathisant qui en la relisant me demandait ce qui m’avait (je devrais dire « nous » car plusieurs vœux dont ceux des responsables du PG allaient dans le même sens ainsi que ceux d’économistes par exemple les fameux « atterrés » ) inspiré un pronostic aussi vérifié. Cela m’a permis de mener avec ce jeune homme une discussion approfondie sur l’importance de la théorie comme guide pour l’action. C’est un des enseignements les plus précieux d’une (bonne) formation marxiste. Ne pas se laisser impressionner par l’écume de l’opinion mais analyser la structure de la situation économique, sociale, culturelle et politique, étudier soigneusement la dynamique de la situation mondiale, européenne et nationale et ne tenir compte de l’opinion que pour mieux formuler son discours de manière à être entendu par ceux qui sont englués dans ce tapage médiatique. L’étude systématique aidée d’outils théoriques rigoureux qui ont fait leur preuve est une condition pour l’action. Cette exigence théorique combinée à la formation du flair nécessaire pour choisir le moment et la forme de l’action peuvent être redoutables dans une situation de crise comme la notre. C’est cela qui nous a amené un certain nombre à quitter le PS en 2008 pour ouvrir une perspective que les drogués aux sondages d’opinion considéraient sans avenir. Nous sommes au milieu du gué, continuons notre œuvre. Etudier les conditions objectives qui encadrent l’action des hommes ne doit pas oublier ce que disait Marx (à l’inverse d’une certaine pensée mécaniste de certains marxistes) ce sont les hommes eux-mêmes qui font leur propre histoire.

L’enjeu du nouveau traité.
Il faut prendre la mesure de ce qui a été décidé lors du sommet européen du 7 décembre ; vous avez pu lire beaucoup d’analyses et de commentaires pour forger votre opinion. Mais je voudrais insister sur le saut qui a été réalisé à cette occasion : pour la première fois on cherche à mettre en place un dispositif contraignant tous les budgets nationaux des 27 pays. Instituer la fameuse règle d’or absurde de l’équilibre budgétaire et l’automaticité des sanctions, voire l’intervention directe de Bruxelles dans l’élaboration des budgets nationaux. L’erreur économique d’une telle orientation a été longuement analysée dans ce blog et est largement partagée par de nombreux analystes venant d’horizons différents. On le sait l’austérité dans tous les pays en même temps ne peut produire que la récession généralisée. Mais il reste deux questions : 1° Pourquoi persistent t ils ? On peut certes invoquer l’aveuglement d’une élite formatée pour cette politique et qui n’arrive pas à penser autre chose ; mais cela est un peu facile. Je crois qu’ils y voient aussi une formidable opportunité pour aller jusqu’au bout de leur système de libéralisation marchande de l’économie et de la société. Sarkozy l’a quasiment avoué. 2° L’enjeu politique n’est il pas plus important ? En effet, ce sommet n’a pu prendre cette décision de mise au pas de chaque budget national que parce que préalablement Goldman  Sachs avait la main surla BCE via Draghi et parce que les dirigeants européens avaient pu imposer sans aucune consultation populaire les gouvernements Goldman Sachs Papadamos en Grèce et Monti en Italie. Ayant bafoué provisoirement avec succès la volonté populaire dans deux pays ils pouvaient proposer un système qui la bafouerait dans tous les pays européens en même temps ! Mais l’affaire n’est pas jouée, loin de là. Car il leur faut un nouveau traité qu’ils doivent faire vite adopter pour « rassurer les marchés financiers » (qui depuis montrent qu’ils ne le sont guère !) : et tout ce petit monde s’agite pour le faire adopter dés mars 2011. Sarkozy et Bayrou sont ouvertement pour, Hollande veut le réviser tout en respectant son objectif austéritaire (rajouter un peu de croissance dans la rigueur) et les Verts EE ont accepté son objectif dans l’accord avec le PS (avant qu’Eva Joly s’apprête à dire ici ou là l’inverse)….Bref en mars l’heure de vérité sonnera : qui est pour ? qui est contre ? qui est sous la table ? Et on a là les moyens de donner un enjeu public et national au scrutin présidentiel un mois plus tard. On aura l’occasion d’en reparler car d’ici là les spéculateurs vont s’en donner à cœur joie et les soubresauts ne manqueront pas. Par ailleurs les signes de l’exaspération sociale ne manquent pas non plus  sans que la perspective électorale calme le jeu social, comme çà s’est produit autrefois. En tout cas la trêve des confiseurs sera courte.  

Un mot pour finir sur Vaclav Havel qui vient de nous quitter à l’âge de 75 ans. Touché par cette disparition, je voudrais témoigner d’une rencontre. En 1982 je suis allé à Prague pour une mission secrète de soutien àla Charte 77 qui menait le combat contre l’oppression stalinienne. Après des pérégrinations rocambolesques dans la ville pour échapper à la filature policière (l’un de ceux qui me suivait ressemblait à l’inspecteur Gadget du dessin animé et j’en garde un souvenir précis et comique) j’ai pu rencontrer le petit groupe à qui j’amenais quelques moyens et ils me firent rencontrer Havel pendant une heure (au-delà c’était risqué) : le regard direct, les questions précises, une conscience aigüe de l’histoire, une sorte de pessimisme raisonné, une volonté farouche, une amabilité naturelle et  la finesse que donne l’élégance des gens de théâtre….je n’oublierai jamais cet homme. Après la révolution de velours il est devenu peu après président dela République Tchèque et je n’ai pas toujours partagé ses choix souvent laxistes envers les économistes libéraux, mais il n’y avait pas à l’époque beaucoup d’exceptions. A l’heure de sa disparition, je veux garder l’image de cet homme inflexible résistant à l’oppression. Il nous faudra ce type d’hommes pour la résistance qui vient.     

Je l’ai dit : la trêve des confiseurs sera courte. Profitez en car, contrairement à ce que l’on pouvait croire lors de ma note de vœux d’il y a un an,  2012 sera finalement une année décisive et on aura besoin de tous !

René REVOL

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5 commentaires

  1. vous pouvez faire des analyses très intéressantes mais quand vous nous dites que vous voulez Vaclav Havel, c’est comme si vous nous disiez que vous voulez Cohn-Bendit…

    • je ne veux pas vaclav havel. j’ai un désaccord fondamental avec son orientation pro libérale et atlantiste quand il a été président et je l’ai même combattu à prague même dans une réunion publique à la fin des années 90 . mais au moment de sa disparition, je tenais à rendre hommage à sa résistance exemplaire à l’oppression. Ce combat était nécessaire et ce qu’il a pu faire aprés n’enlève rien à la grandeur de cette action que j’ai croisé une petite heure un jour de 1982.

      • vrai :
        VH n’a pas permis aux Tchèques d’adopter autre chose qu’un programme atlantiste.

        et Cohn-Bendit avec son « intelligence nationale », c’est kif kif avec l’union sacrée.

        tout ça pour continuer les petits arrangements avec le PS aux dépens d’un discours plus radical.

        En ce qui concerne la vidéo de Dimitri, j’ai pu enfin la regarder après téléchargement du logiciel adéquat.
        Il insiste bien sur la nécessité d’une alternative politique radicale.
        Quant il dit « réveillez-vous » à la fin, on comprend néanmoins que ce n’est pas un témoin de Jehovah !

  2. SIMPLE RAPPEL DE L’HISTOIRE A PROPOS DE HAVEL DANS MEDIAPART :
    Vaclav Havel mérite mieux
    19 Décembre 2011? Par François Delpla
    L’hagiographie qui déferle depuis 24 heures et dont Mediapart n’a hélas pas le monopole, est bien sotte et bien inutile par les temps qui courent… vers le pire si on ne redresse pas promptement la barre, justement en réfléchissant aux errements de la génération qui a pris ladite barre vers 1990 à Maastricht et ailleurs, et si mal réglé les questions d’après-guerre froide.
    Tout est dit ou presque, et par Havel lui-même, dans une interview de 2008 que L’Express a le bon goût de remettre en ligne : http://www.levif.be/info/actualite/international/vaclav-have….
    Ce que Havel dit sur son soutien aux crimes bushistes en Irak (sans formuler la chose comme cela… mais il le ferait volontiers s’il s’agissait d’un hiérarque communiste et c’est bien là le problème) est d’une irresponsabilité abyssale : il fallait y aller mais pas comme ça… Alors ? Il fallait y aller quand même ? Eh bien oui, puisque saint Havel a lavé sa conscience en disant sa façon de penser à Bush avant… et en attendant 2008 pour publier l’information !
    Voilà ce que rappellerait une commémoration intelligente, voilà ce que serait un usage de l’histoire tourné vers l’avenir, et non vers la confection d’un livre d’heures renouvelé de l’hagiographie médiévale.

  3. Tu as raison René « de mortui nihil nisi bene », comme disaient les Romains. Toutefois, dans l’euphorie hypocrite médiatique – où on ne met au pinacle que ceux qui par antisoviétisme (justifié) sont tombés sottement dans les louanges de l’impérialisme libéral-, il était bon de dire ce que l’historien François Delpa a dit. C’est pourquoi je l’ai cité sans vouloir prendre moi-même position. Havel n’a pas su dépasser ses veilles rancunes et, d’une juste remise en cause de l’oppression soviétique, est tombé dans l’adoration béate de l’autre extrême: l’oppression étasunienne.
    Il fallait donc remettre les pendules à l’heure, ça évite l’hagiographie de tous ceux qui, oubliant de penser, préfèrent croire.

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