Note du 1 novembre 2011
Où est Roosevelt ?
Dans ce billet, j’aborde l’accord européen de mercredi devenu obsolète le lundi à cause de la question politique de la légitimité démocratique que révèle le référendum grec. Je développe le non sens économique des politiques engagées, le vrai sens du discours sur le « modèle allemand » et je fais une allusion à un débat auquel j’ai participé avec le M’PEP, puis deux petites perles.
L’accord européen du 27 octobre a déjà fait couler beaucoup d’encre et je ne reviendrai pas ici sur ce qui finalement a été remarqué par la plupart des observateurs : le triomphe allemand sur la France dans le refus d’impliquer la BCE (à la différence de ce que vient de faire hier la Banque centrale du Japon en achetant massivement des titres de dette de l’Etat japonais), le caractère insuffisant des propositions pour enrayer la crise avec un simple fond de garantie qui n’est même pas une banque, le sauvetage prioritaire des banques, la capitulation annoncée de l’Europe devant l’invasion des produits low costs des pays émergents en échange de leur soutien financier, la mise en place d’un processus de mise sous tutelle de tous les budgets étatiques et sociaux des 17 pays de la zone Euro pour qu’ils pratiquent tous l’austérité….Bref ce sommet remet à nouveau nos Etats et nos économies dans les mains des marchés financiers sans contrepartie. Les Bourses ont d’ailleurs salué le jeudi à leur manière l’évènement…..avant de déchanter dés le lundi devant la manifestation des conséquences politiques d’un tel accord.
Je voudrai simplement aller plus loin dans l’analyse de ce qui se prépare avec la victoire de l’Allemagne conservatrice. Deux remarques : Une proprement politique et une économique sur la marche à la catastrophe.
C’est d’abord une question politique : celle de la légitimité démocratique. Notons d’abord un paradoxe : l’Allemagne est une république parlementaire et à défaut de faire voter son peuple (le résultat serait peut être très différent) Angela Merkel ne peut s’engager financièrement dans des sommets européens que s’il y a un vote favorable de son parlement. Manifestement d’autres pays peuvent se voir imposer le diktat européen sans avoir de mandat de leur parlement. J’ajoute d’ailleurs que le gouvernement allemand qui préconise la mise sous tutelle des budgets nationaux des pays « dépensiers » ne pourrait pas se l’appliquer à lui-même puisque la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe doit impérativement donner son aval sur tout transfert de souveraineté, transferts auxquels elle est toujours très réticente. Pourquoi les autres pays européens ne pourraient pas profiter des mêmes garanties parlementaires et constitutionnelles ? Ces garanties ne suffisent certes pas puisque comme on l’a vu au Bundestag Merkel a obtenu le vote non seulement de la coalition conservateurs – libéraux au pouvoir mais également celui des sociaux démocrates et des Verts ! Seuls les députés de Die Linke ont voté contre. La seule garantie serait de donner la parole directement aux peuples. S’ils ne le font pas c’est qu’ils savent qu’ils auraient une réponse islandaise (le peuple islandais a refusé par référendum à plus de 90% de payer la dette contractée auprès des banques anglaises, s’estimant pas du tout engagé par une dette illégitime). La question de la légitimité et de la souveraineté populaire face aux décisions européennes d’austérité va devenir la question centrale en Europe dans les semaines qui viennent. Les peuples, comme les Grecs actuellement, ne vont pas considérer comme légitimes des décisions et des plans d’austérité qui auront été décidés par des autorités extérieurs à leur souveraineté nationale et populaire. La légitimité est au cœur du consentement des peuples qui fonde le maintien de l’ordre établi. Sa remise en cause radicale dans le processus actuel ouvre une période de désordre majeur.
J’ai écrit ces lignes ci-dessus le 30 octobre et le 31 octobre tombe une nouvelle qui vérifie l’analyse de manière éclatante. Le premier ministre Papandréou décide de consulter son peuple par référendum sur le fameux plan de sauvetage. C’est une brisure essentielle dans le dispositif : un peuple va être consulté. Il suffisait de voir à la télé la totalité des jeunes défiler devant les autorités du pays à Thessalonique le poing levé, de voir les crêpes noires attachées à tous les instruments de l’orchestre officiel et surtout le Président de la République partir en pleur pendant la cérémonie ….le système politique grec n’a pas tenu et il est en voie d’explosion. Certains observateurs pourtant bien éloignés de notre point de vue avait ressenti ce talon d’Achille du plan européen ; par exemple Hubert Védrine a souligné le problème de la main mise du contrôle des experts européens sur les budgets nationaux des pays à qui était accordé un prêt. Il a parlé de « dangereuse ère post démocratique ». L’opportunité de ce référendum grec c’est de nous permettre de poser dans tous les pays l’exigence de la souveraineté populaire : place aux peuples !
Ma deuxième remarque porte sur le non sens économique de ce qui s’entreprend en Europe. Et là je vous demande un peu de patience car je vais être un peu long. Mais puisqu’on n’est pas sur un espace médiatique dominant le lecteur a le droit d’être exigeant. Et comme me l’a écrit l’un de mes lecteurs « continuez. Ne cédez pas au goût du jour du vite écrit, du vite lu et du vite oublié ». On va quand même essayer de faire simple.
D’abord l’idée de généraliser le modèle allemand est un trompe-l’œil. De quel modèle parle t on ? On croit nous parler de l’ancien modèle qui s’est construit dans les années soixante et qui a fait la force de la RFA jusqu’aux années 80 : le modèle de « l’économie sociale de marché » fondée sur l’industrie, et particulièrement les biens d’équipement, et les hauts salaires indexés sur une productivité en hausse constante et permettant à la fois d’une part la cogestion et un fort niveau de vie en interne et d’autre part des excédents commerciaux grâce à une compétitivité « qualité » qui pouvait résister à la compétitivité « prix » des pays à bas alaires dans un contexte non encore totalement financiarisé et mondialisé. Ce modèle est mort. Il est mort avec les années 90 en même temps d’ailleurs que le modèle japonais qui lui ressemble par certains aspects et qui est rentré en 1990 dans une décennie de récession. La conjugaison de la réunification allemande et de la crise monétaire de l’UE conduisant à l’intégration économique et monétaire dans l’Euro ont permis de construire un autre modèle économique allemand et c’est celui-ci que les décisions européennes veulent nous imposer.
En quoi consiste ce nouveau modèle ? D’abord il y a l’arrivée massive de l’Est d’une main d’œuvre qualifiée et sous payée, certes les 20 millions d’allemands de l’est (dont le rattrapage des salaires avec ceux de l’ouest ne s’est pas fait dans un seul sens !) mais aussi les polonais, les ukrainiens et les autres dans le cadre de « l’élargissement sans approfondissement » que l’Allemagne et la Grande Bretagne ont imposé dans les élargissements successifs notamment celui des 10 de 2004. Cela a permis une offensive contre le niveau de salaires et de protection sociale des salariés allemands notamment à travers la Loi Hartz IV. Les gouvernements Khôl, Schröder et Merkel ont mené cette politique avec une belle continuité. Comme l’Allemagne n’a pas de réglementation du salaire minimum mais que la couverture des salariés passait par des contrats collectifs l’alliance du patronat, du gouvernement et des dirigeants sociaux démocrates a permis la modification de ces contrats au détriment des salariés. Résultat : si le niveau de vie du quart supérieur du salariat a continué à s’améliorer c’est le contraire pour les trois quart inférieurs ; certains économistes considèrent que 25% de la main d’œuvre est payée largement en dessous de sa productivité. Donc la « baisse du coût du travail » dans le pays européen économiquement le plus puissant a été un élément déterminant du changement du rapport social entre patrons et salariés dans toute l’Europe.
Ensuite il ya une politiquedélibérée de « désinflation compétitive » dès le milieu de la décennie 2000. Cela consiste à obtenir une baisse de ses prix plus rapide que ces concurrents immédiats, à commencer par les économies européennes et particulièrement la France, cela afin de leur prendre des parts de marché et de dégager des excédents commerciaux (pendant que les autres auront des déficits commerciaux) ; pour atteindre cet objectif il y a la baisse du coût du travail qu’on vient de voir mais il y aussi la mise en place (initiée par Schröder et généralisée par Merkel) de la fameuse TVA sociale (que Sarkozy cherche à nous imposer) et qui consiste à transférer le financement de la protection sociale du travail (donc payé par le patronat) aux consommateurs via la TVA. Les consommateurs financent ainsi la protection sociale allemande et cela allège d’autant le coût du travail et favorise l’accumulation duC’est donc un transfert d’une charge sur le patronat vers une charge sur les consommateurs.
Si un pays dont le niveau des prix est nettement supérieur à celui de sa zone économique peut peut-être envisager une stratégie de désinflation compétitive (c’est comme çà qu’on nous l’a vendu dans la deuxième moitié des années 80 en France – ce qui ne signifie pas qu’elle était nécessairement justifiée) cela devient une toute autre affaire lorsque les pays ont tous un faible niveau d’inflation (2% en moyenne depuis quinze ans). C’est une stratégie non coopérative qui ne marche que si les autres se laissent faire. Comment peuvent- ils réagir ? Avant Maastricht puis l’Euro ils pouvaient réaliser une « dévaluation compétitive » : changer la valeur de sa monnaie pour rétablir des conditions de compétition équitable. C’est devenu totalement impossible puisque nous avons tous la même monnaie. Ne reste alors que la pratique la « désinflation compétitive » : c’est ainsi que s’impose en Europe une pensée unique de la politique économique faite de rigueur et de « cost killer ». Mais si tout le monde pratique une politique de désinflation compétitive pour (re)prendre les parts de marché de l’autre, aucune ne sera efficace. Sans parler de la contradiction qu’il y a à affirmer d’un côté la nécessaire coordination des Européens et de l’autre de préconiser que chacun ait une politique non coopérative.
Comment expliquer cet acharnement à faire passer une politique aussi incohérente ? La doxa néolibérale s’est imposée à l’occasion de la mise en place de l’Euro : une gestion de l’euro assurée par une banque centrale indépendante centrée exclusivement sur la lutte contre l’inflation, un encadrement réglementaire des politiques économiques nationales dans un sens exclusivement restrictif. Cette doxa est devenue culturellement hégémonique chez les élites qui nous gouvernent, assurant le triomphe de ce capitalisme financiarisé et mondialisé. Le « modèle allemand » a été un des instruments de la caporalisation néo libérale des politiques économiques de toute l’Europe au service de ce modèle de capitalisme. Et aujourd’hui le mauvais illusionniste (au fait l’allusion aux Borgia c’était trop ridicule !) Sarkozy veut l’imposer, ce modèle allemand, en nous le faisant passer pour l’ancien. Au vu de ses résultats, nous pouvons lui dire : Non, merci.
Mais le plus grave est que ce modèle qui nous a conduits à la crise, nous est aujourd’hui présenté comme la solution à la crise… en le durcissant toujours plus. Ce qui commence à être perçu par le grand nombre. J’ai vu plusieurs de mes concitoyens me reprendre ce raisonnement : « Comment voulez vous qu’on rembourse une dette si l’activité économique régresse. Or avec la politique d’austérité dans tous les pays, les pays et leurs Etats vont être plus pauvres et la dette pèsera encore plus lourd. » C’est une évidence économique fondamentale qui est une leçon historique de la grande crise du XXe siècle : la crise de 1929.
Lorsque la crise a éclaté en octobre 1929 le Président des Etats –Unis de l’époque Herbert HOOVER décida d’accompagner la crise par une politique d’austérité avec le raisonnement suivant : la crise est due à une offre supérieure à la demande. Il suffit d’attendre que l’offre baisse et rejoigne le niveau de la demande, de l’accompagner dans cet effort de compétitivité… tout en aidant directement les banques (décidément c’est une habitude !). Au même moment la Banque Centrale (la Fed) très privée et « indépendante » décida d’une politique restrictive du crédit avec une hausse du taux d’intérêt. Résultat : un approfondissement inouï de la crise avec une marée montante de chômeurs. Car ces beaux messieurs oubliaient que si on fait baisser l’offre (c’est-à-dire l’activité productive) on fait baisser le nombre de travailleurs, baisser la masse des salaires, baisser l’activité et donc les revenus de la vente des produits. La baisse de l’offre entraine une baisse plus importante encore de la demande, entrainant l’activité économique dans une spirale descendante. Devant la catastrophe générale provoquée par cette politique, la marée électorale porta au pouvoir un ROOSEVELT qui bien que peu cohérent sur plein de points portait ouvertement la logique inverse. Mais entre temps, entre 1930 et 1933, les dégâts sociaux furent considérables. La version française de Hoover, ce fut le gouvernement LAVAL (celui de 1935) qui baissa les salaires de tous les fonctionnaires de 10% dans le cadre d’une politique d’équilibre budgétaire (tiens ! déjà la règle d’or avant l’heure) : loin du retour à l’équilibre du budget, ce fut un recul économique et social qui creusa le déficit ….et l’irruption de Juin 36 et du Front populaire.
Tous les esprits un tant soit peu honnête intellectuellement sont convaincus que cette politique va accélérer la marche à la récession économique généralisée dés début 2012. Actuellement on peut observer la marche à la récession par le cumul des effets suivants : 1) effet de richesse due aux pertes des titulaires de titres sur les marchés financiers (c’est-à-dire leur richesse globale diminuant ils augmentent leur épargne au détriment de l’investissement et de la consommation ; en y ajoutant une volatilité dans les placements n’étant plus certains de savoir quels sont les placements sûrs. 2) le « crédit crunch » c’est-à-dire les banques fragilisées réduisent leur offre de crédit et par là bloquent les projets d’investissement ; depuis juin la masse de crédits distribués par les banques baissent chaque mois un peu plus et une contraction comme en octobre 2008 peut se produire à tout instant. 3) les ménages perdant confiance dans l’avenir, ils épargnent d’avantage et consomment moins ; les statistiques semblent indiquer une orientation dans ce sens depuis septembre. 4) si les banques prêtent moins, si les entreprises investissent moins et si les ménages consomment moins, les Etats devraient, au nom de l’intérêt général, aller en sens inverse pour casser le cercle vicieux dépressif…et bien pas du tout ! Ils en rajoutent un maximum en lançant partout des plans d’austérité qui vont réduire drastiquement l’activité. La preuve grecque est là pour appuyer mon propos.
La politique Merkel – Hoover c’est la marche à l’abîme.
Et je ne vois pas de Roosevelt…ou de Blum d’ailleurs ; par contre je vois des petits Hitler qui pointent le nez !
Le principal facteur d’optimisme c’est la vitalité populaire à travers le monde contre ce système pourrissant dont les « indignés » sous tous les cieux (Europe, Etats Unis, pays arabes, Israël, Chili…) ont été la partie médiatique la plus visible. Mais cette vague prend aussi dans les profondeurs populaires des formes variées. La question n’est pas de savoir s’il va y avoir des révoltes et des conflits (il suffit d’observer le monde pour les voir à l’œuvre) ; la question est de construire l’outil collectif qui puisse offrir une issue politique alternative et émancipatrice aux peuples en mouvement. Il n’y a pas d’autre enjeu à notre participation à l’élection française de 2012.
Quelques mots maintenant sur un débat auquel j’ai participé représentant le PG à l’université d’automne du M’PEP ce lundi 31 octobre au soir. Avant d’aborder la question qui nous intéresse laissez moi dire ma joie d’avoir rencontré et discuté à cette occasion avec un vieux théoricien que je vénère depuis ma jeunesse : Samir Amin. J’aurai l’occasion de revenir sur cet épisode. Le débat portait de fait sur la proposition de sortie de l’Euro avancée par le M’PEP. Je ne détaillerai pas les arguments qui montrent que le problème n’est pas en soi sortir de l’Euro mais sortir des politiques néo-libérales et sortir de la main mise des marchés financiers et que cela peut se faire sans passer par l’exigence première de sortir de l’Euro. La Grande Bretagne n’est pas dans l’Euro et applique avec zèle la politique néo-libérale. Cela est très bien argumenté dans le bouquin de Jacques Généreux « Nous, on peut ! » sorti en septembre de la page 113 à 138. Mais j’ai été frappé par un argument ou plutôt une croyance d’un intervenant adhérent du M’PEP : « au fond, nous dit il, ce que vous proposez à l’échelle de l’Europe est bien mais vous vous contentez d’attendre que les 17 de l’Euro puis les 27 de l’UE l’adoptent ; or c’est une illusion, vous savez très bien qu’ils refuseront, vous êtes donc condamnés à l’impuissance » et d’appuyer son propos en disant qu’il n’a rien vu de différent dans le programme du Front de gauche. Si cette assemblée avait été structurée pour un vrai débat et non pas une suite de monologues des intervenants sans débat j’aurai pu lui répondre en lui lisant la page 69 du programme « l’humain d’abord » qui dit exactement l’inverse : après avoir présenté l’initiative d’Etats Généraux de refondation européenne avec toutes les forces européennes qui voudront s’y associer, un gouvernement du Front de gauche fera adopter par le peuple français les modifications nécessaires des traités européens notamment en mettant en œuvre « sans attendre » des politiques en rupture avec les marchés financiers. Puis il est écrit le paragraphe suivant :
« Conformément au mandat que nous aura été donné par le peuple français pour mettre en place une politique de gauche dans notre pays, nous refuserons d’appliquer des directives contradictoires à nos engagements, notamment en ce qui concerne la dérégulation des services publics.
Notre désobéissance fera tâche d’huile dans l’Union Européenne et dans la Zone Euro. Elle sera un point d’appui pour les pays dévastés par les plans de rigueur. A terme notre objectif est de briser le bloc libéral dans l’UE et de pousser à la négociation d’un nouveau traité ; »
On ne peut être plus clair : respect de la volonté populaire, application sans attendre d’une politique de gauche, refus d’appliquer les directives libérales de l’UE, désobéissance ….je pense que les membres du M’PEP qui prendront le temps de lire attentivement le programme du Front de gauche conviendront qu’avec le Front de gauche élargi nous avons aujourd’hui une union politique sur une ligne alternative au libéralisme des traités européens et que l’urgence de la situation doit les amener à relativiser les nuances qu’ils ont sur la nécessité d’affirmer d’abord la sortie de l’Euro.
Pour finir, deux détails sympathiques :
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Un de mes collègues vient de finir mon bouquin et lisant ma note précédente sur « faut-il avoir peur de la dette ? » me rappelle cette formule de Keynes sur l’utilité de la dette : « Il vaut mieux que les individus exercent leur tyrannie sur leur compte en banque que sur leurs concitoyens ? ». Génial, non ?
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Un jeune certes cultivé mais peu politisé me demande il y a quinze jours quel est mon programme. Naturellement je lui vends le Programme du Front de Gauche ; 2€ c’est abordable. Une semaine après, il m’envoie un mail avec plein de questions que je vous passe mais avec cette question particulière : « C’est bien votre truc mais vous n’auriez pas un texte plus fondamental ». J’hésite entre plein de textes de Marx à Jaurès mais j’ai peur de le noyer ; finalement je lui en conseille trois :
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La déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789,
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Le programme du Conseil national de la résistance de 1944 (dont le titre est absolument magnifique : « les jours heureux »)
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La déclaration internationale de Philadelphie de 1944.
Je viens d’avoir sa réponse aujourd’hui : « J’adhère au mouvement qui reprend ces textes dans son programme ! ».
Il n’existe qu’un moyen de sortir de la crise actuelle mais les gouvernances européennes soumises au dictat capitaliste si refusent pourtant.
L’exemple islandais prouve que celui-ci adapté à nos économies marche !
Pourquoi personne n’accepte de suivre ce sain(t) exemple ?
Bravo René ,pédagogue de combat ! ..une mise en perspective lumineuse..Mais le M’PEP qui véhicule des idées absurdes .. faut l’écrire ,non?
Je vais me mettre à ton livre sur le capitalisme . Nous sortons à Marseille ,une « enquête sociale » :PAROLES DE SYNDICALISTES EN LUTTE A MARSEILLE -Automne 2010- (éditions ARBRE BLEU à Nancy) et j’en prépare un autre Vitrolles,la gauche ,le FN (1983-2002) .Bon courage ,amicalement à toi .GP
Non, Gérard Perrier, on ne balaie pas d’un revers de main les idées du M’PEP. Elles sont d’ailleurs partagées par nombres d’économistes reconnus ou d’amis politiques de la gauche anti-libérale. A l’égal de Samir Amir qui participait au débat et qui fait partie du comité de soutien de Front de Gauche. Mais ce qui importe, c’est le débat et les moyens pour arriver à mettre à bas ce système que nous combattons tous. René Revol a combattu le traité de Maastricht, qui ouvrait la voie à l’Euro et à la perte de la souveraineté populaire. Comme l’indiquait Nicolas AGBOHOU, auteur d’un livre sur « Le franc CFA et l’Euro contre l’Afrique », la première chose qu’on fait les Nazis, c’est de supprimer la force de frappe monétaire des pays occupés et de rapatrier les banques centrales à Berlin. Pourquoi ? Parce que détenir le pouvoir monétaire, c’est détenir le pouvoir tout court. Nous sommes donc au M’PEP pour retrouver le levier monétaire en sortant du carcan de l’euro qui est au service des politiques ultra libérales. Il faut bien s’entendre sur les termes : l’euro est une monnaie unique et non une monnaie commune. Au M’PEP, la sortie de l’Euro n’est pas une fin en soi mais un moyen pour construire une monnaie commune.
Lorsque nous avons combattu le traité de Lisbonne, nous l’avons fait de la même manière parce que ce traité gravait dans le marbre la politique libérale de l’Union Européenne en verrouillant l’institution.
Aujourd’hui, les choses seraient changées, les politiques libérales seraient à un point avancées que la remise en question des institutions serait obsolète ?
Nous pensons que l’Union Européenne et l’Euro, font partie des piliers de l’ordre néolibéral au même titre que l’Otan, le FMI ou l’OMC. Sommes nous assez fou pour penser que l’on peut transformer de l’intérieur l’Otan ?, le FMI ?, l’OMC ?
Quant à l’Union Européenne, il faut, comme le soulignait Samir Amin lors du débat, compter avec la règle de l’unanimité des 27.
Il est écrit dans le programme partagé que « notre désobéissance fera tache d’huile dans l’Union Européenne et dans l’Euro ». Cela serait envisageable pour un joueur de Poker, mais la situation est bien trop grave pour parier sur une telle hypothèse.
Il est ensuite écrit : « A terme notre objectif est de briser le bloc libéral dans l’UE et de pousser à la négociation d’un nouveau traité »
Oui, mais négocier avec qui ? Avec 26 pays libéraux ? Que pèsera la France face à un tel front. Que pèserait la France face à l’Allemagne qui construit sa puissance avec le libre-échange, les délocalisations de ses productions dans les pays satellites de l’ancien bloc de l’Est revenus dans son giron? Que pèserait la France face à la puissance économique de l’Allemagne qui capitalise toute la politique monétaire grâce à l’Euro(Mark )?
Sur le passage : « un gouvernement du Front de gauche fera adopter par le peuple français les modifications nécessaires des traités Européens notamment en mettant en œuvre « sans attendre » des politiques en rupture avec les marchés financiers »
Mais, c’est sans compter sur la bataille qu’engageraient la droite et même la sociale démocratie car si nous avons combattu ensemble le traité constitutionnel, c’est qu’il inscrivait dans la constitution française les fondamentaux économiques libéraux. Chaque remise en cause de ces fondamentaux, comme la libre circulation des capitaux, le libre-échange, la concurrence libre et non faussée, sera retoquée par le conseil constitutionnel que les députés européistes saisiront.
Il n’y aura donc à terme, pas d’alternative à une sortie de l’Euro et de l’Union Européenne, l’un des piliers de l’ordre néolibéral.
D’ailleurs, il est écrit dans le même programme du Front de Gauche à la page 75 : « nous déciderons, immédiatement, le retrait de la France de l’Otan. » De la même façon, un peu plus haut : Nous combattrons les principes d’austérité du FMI et de libre-échange de l’OMC pour les changer profondément ou pour créer de nouvelles institutions internationales.
Si le Front de gauche n’envisage pas de transformer le FMI et l’OMC de l’intérieur et envisage de quitter ces institutions pour en créer de nouvelles, pourquoi en serait-il autrement de l’Union Européenne ?
L’Union Européenne, à l’égal du FMI et de l’OMC, n’a pas été bâti par les peuples mais par les classes dirigeantes pour asservir ces mêmes peuples.
En bref, nous pensons qu’il est illusoire de penser que l’on pourra faire bouger les frontières de l’Union Européenne, que des décisions unilatérales devront êtres pris et mènerons irrémédiablement à une sortie du système de l’Union Européenne. Attendre que les 27 pays de l’Union soient d’accord pour modifier quoi que ce soit aux traités ne fait que repousser l’ensemble des propositions du programme de Front de Gauche aux calendes grecques (sans mauvais jeux de mots)
Pour conclure, nous pensons que ces questions doivent êtres discutées au sein de la gauche de gauche, comme nous l’avons initié lors de notre université d’Automne, même si nous n’avons pas eu le temps d’en faire un débat faute de temps, ce que nous regrettons.
Nous le pensons d’autant plus que ce débat et ces questions sont aujourd’hui laissées en pâture au Front National qui capte le sentiment anti euro et anti européen pour en tirer des arguments contraires à la coopération et à l’Universalisme que nous voulons bâtir.
Voilà donc une note qui participe au débat que tu appelles de tes vœux.
Waldeck Moreau
Porte-parole du M’PEP 34
Secrétaire national du M’PEP
Difficile de commenter une séance qui a rassemblé sept intervenants, dont évidemment des intervenants du M’PEP. ; Ce qui est difficile, ici, c’est que les lecteurs ne peuvent juger sur pièce.
Sur le blog M’PEP 34 (http://mpep34.canalblog.com/), toutes les interventions figurent, y compris celle de René.
Plus facile alors de juger si ce que propose le M’PEP est absurde ou s’il mérite le débat que certains refusent.
Cordialement
Niurka Règle
« Après avoir présenté l’initiative d’Etats Généraux de refondation européenne avec toutes les forces européennes qui voudront s’y associer, un gouvernement du Front de gauche fera adopter par le peuple français les modifications nécessaires des traités européens notamment en mettant en œuvre sans attendre les politiques en rupture avec les marchés financiers ».
Très bon le « sans attendre » à la fin du paragraphe !!
Après avoir « présenté (?) l’initiative d’états généraux » (un truc rapide quoi, et seulement une fois qu’on est élu), « avec toutes les forces européenne » (pareil, on sent que l’Union internationale des prolétaires est pour dans six mois !), le Fdg « fera adopter par le peuple français etc. » (un référendum dont on ne précise pas l’objet et qu’on ne revendique pas avant d’être élu, si je comprends bien), « en mettant en œuvre la rupture avec les marchés financiers » (heu..; en même temps ? ou seulement une fois qu’on a fait tout le reste ?)
Quel charabia !
Le FN a une autoroute devant lui.
Monsieur Revol,
désolé de commencer par la conclusion et par une marque peu tentée d’espoir, mais il me faut bien dire ce que je pense et il y a des limites aux malentendus : vous êtes soit grandement distrait, soit gravement incompétent, soit un manipulateur sans scrupule. Autrement dit, prenez donc le soin d’étudier la question dont vous voulez parler et, pour commencer, écoutez un peu attentivement celui que vous invoquez comme une autorité intellectuelle et morale.
« laissez moi dire ma joie d’avoir rencontré et discuté à cette occasion avec un vieux théoricien que je vénère depuis ma jeunesse : Samir Amin […] Le débat portait de fait sur la proposition de sortie de l’Euro avancée par le M’PEP. Je ne détaillerai pas les arguments qui montrent que le problème n’est pas en soi sortir de l’Euro mais sortir des politiques néo-libérales et sortir de la main mise des marchés financiers et que cela peut se faire sans passer par l’exigence première de sortir de l’Euro. »
Je viens de visionner l’intervention de Samir Amin à ce colloque du M’PEP et à l’évidence, les propos qu’il a tenu sont en contradiction franche avec ceux que vous tenez ensuite. Première hypothèse : vous avez rencontré votre idole dans les couloirs mais vous avez zappé son tour de parole à la tribune. Deuxième hypothèse : vous l’adorez depuis si longtemps que vous n’écoutez plus ce qu’il raconte. Troisième hypothèse : il ne vous est pas venu à l’esprit que la présentation que vous faites ici situe Samir Amin comme une sorte d’autorité validant votre analyse ensuite, ce qui n’est franchement pas le cas.
Que vous reveniez ou non sur cet évènement, j’invite vos lecteurs à visionner cette intervention de Samir Amin, ici : http://www.m-pep.org/spip.php?article2431. La partie qui nous intéresse le plus, rapport à l’Union européenne et à l’euro, se situe dans la 2e vidéo, à partir de 2’20. Tout particulièrement, concernant l’euro, voir la séquence entre à 9’38 et 10’57.
« [… ] le problème n’est pas en soi sortir de l’Euro mais sortir des politiques néo-libérales et sortir de la main mise des marchés financiers et […] cela peut se faire sans passer par l’exigence première de sortir de l’Euro. La Grande Bretagne n’est pas dans l’Euro et applique avec zèle la politique néo-libérale. »
Erreur de logique grossière… A un point que je ne ferai pas l’insulte au lecteur en dépiautant la proposition.
« Cela est très bien argumenté dans le bouquin de Jacques Généreux « Nous, on peut ! » sorti en septembre de la page 113 à 138. »
Cette même stratégie que vous soutenez est effectivement présentée dans le dernier livre de J. Généreux. Mais autant je m’accorde en général, sur le constat, avec ce qu’écrit le secrétaire national aux affaires économiques du Parti de gauche, autant il est dans les choux, cette fois, pour les préconisations.
Sur le plan politique, d’abord, puisque une monnaie unique ne peut tout simplement pas tenir dans un système confédéral (comme dit Samir Amin, « une monnaie c’est un État »). Or J. Généreux écarte lui-même, dans ce livre, la « promesse illusoire d’une prochaine démocratie européenne » (p 32). Jean-Luc Mélenchon venait de prendre publiquement la même résolution dans son petit manifeste pour Qu’ils s’en aillent tous ! en se référant, lui, explicitement au « fédéralisme » européen.
Et même sur le plan économique… puisque :
– qes propositions contre la libre-circulation des capitaux reviennent sans le dire à sortir entièrement du marché unique, a fortiori pour un État ayant la même monnaie que 16 autres États de l’UE ;
– son système (celui du Front de gauche, également) de « pôle public bancaire » ne peut pas marcher comme il le laisse entendre, pour la bonne raison que tous les agents qu’il compte astreindre à y placer leurs dépôts sont structurellement emprunteurs ! Autrement dit, il compte multiplier les pains monétaires par le crédit mais sa pompe à un gros problème côté amorçage… du fait qu’elle ne peut compter que sur l’épargne d’agents qui en on très peu ! Ou bien, pour y palier (un peu), il faudrait encore commencer par racler les fonds de tiroir et donc faire payer le prix fort aux citoyens ! Bref, ça n’est vraiment pas sérieux, et c’est d’ailleurs surprenant de voir comment les rêves de pouvoir bricoler l’Union européenne peuvent faire tourner la tête aux esprits les plus lucides. Ou encore faudrait-il proposer à tous les militants de gauche (en moyenne pas les citoyens les plus riches, accessoirement) de cotiser (en se passant de la rémunération de leurs épargnes) sachant que les autres ne le feraient pas. Vous parlez d’une « politique » !
« après avoir présenté l’initiative d’Etats Généraux de refondation européenne avec toutes les forces européennes qui voudront s’y associer, un gouvernement du Front de gauche fera adopter par le peuple français les modifications nécessaires des traités européens notamment en mettant en œuvre « sans attendre » des politiques en rupture avec les marchés financiers. »
Primo, vous n’avez pas lu attentivement le projet de programme du Front de gauche (ou y en a-t-il un qui soit postérieur à octobre 2011 ?). En réalité, il dit : « Sans attendre cette échéance, nous agirons pour développer des politiques européennes nouvelles, libérées de l’emprise des marchés financiers ». Ce qui est très différent, aussi bien s’agissant de votre résolution à prendre des mesures unilatérales que s’agissant d’espérer quelque chose au plan européen.
Deuxio, l’entrée en vigueur d’un nouveau traité nécessite la signature de 27 États, pas d’un seul. C’est bien d’aller faire des États généraux européens mais de là à s’imaginer que ça aboutisse, et par voie intergouvernementale, qui plus est, faut pas pousser mémé dans les orties !
« « Conformément au mandat que nous aura été donné par le peuple français pour mettre en place une politique de gauche dans notre pays, nous refuserons d’appliquer des directives contradictoires à nos engagements, notamment en ce qui concerne la dérégulation des services publics. […] » »
Quel rapport avec l’euro ? Un indice : les règles de la monnaie unique ne reposent précisément pas sur des directives.
« Notre désobéissance fera tâche d’huile dans l’Union Européenne et dans la Zone Euro. Elle sera un point d’appui pour les pays dévastés par les plans de rigueur. A terme notre objectif est de briser le bloc libéral dans l’UE et de pousser à la négociation d’un nouveau traité »
Pour faire quoi ? Encore une fois, en particulier, une monnaie unique ne peut tout simplement pas fonctionner dans un système confédéral. Il est facile de le démontrer, et d’ailleurs personne ne l’a nié. Un État fédéral, vous savez ce que ça implique, précisément ? Que les gouvernements nationaux et les chefs d’État (et même les parlements nationaux) n’aient plus AUCUN RÔLE au plan européen ! Vous avez réfléchi un peu à la chance qu’un tel machin advienne avant longtemps. Dernière question : et vous croyez qu’un truc pareil va sortir d’une négociation entre gouvernements ???… Autant le dire : c’est justement pour ça qu’il ne peut y avoir de continuité avec l’Union européenne…
J’arrête là : là suite est tout aussi décalée mais les explications découlent des précédentes.
« cela peut se faire sans passer par l’exigence première de sortir de l’Euro. La Grande Bretagne n’est pas dans l’Euro et applique avec zèle la politique néo-libérale. Cela est très bien argumenté dans le bouquin de Jacques Généreux »
Désolé de le dire comme ça, mais dans une seule phrase se succèdent un sophisme et un argument d’autorité. Passons sur l’argument d’autorité (si J Généreux le dit c’est que c’est vrai, plus besoin d’argumenter plus avant) qui révèle un évitement d’une question pourtant primordiale.
Quant au sophisme: ce n’est pas parce qu’une action n’est pas suffisante qu’elle n’est pas nécessaire pour autant. On ne prouve pas qu’il n’est pas nécessaire de sortir de l’euro pour rediriger la politique monétaire vers des objectifs de gauche en disant que l’Angleterre qui n’est pas dans l’euro et n’a par ailleurs aucune volonté politique de pratiquer une politique monétaire de gauche, ne le fait pas (une politique monétaire de gauche)! Personne n’a jamais dit ou pensé qu’il suffisait d’être hors de l’euro pour être de gauche!
D’autre part, mis à part ce syllogisme qui tente de confondre nécessaire et suffisant, il évite aussi d’expliciter la position du PG sur ce problème central. Central pourquoi d’abord? Central parce que dans l’Union européenne, les principales contraintes structurelles qui pèsent sur les politiques économiques émanent des constructions institutionnelles européennes. Or toute la construction européenne, qui ne relève pas d’une démarche démocratique (tout au contraire, elles interdit toute démocratie dans les politiques économiques, la production et les échanges), s’est bâtie sur les théories économiques libérales qui tentaient de mettre en application la sortie de l’économie des contraintes démocratiques. Il y a donc deux puissantes raisons de sortir de TOUTES les institutions européennes mises en place depuis la CECA: elles sont profondément de droite et ne servent qu’à produire des effets de cliquet juridiques et institutionnels visant à rendre de plus en plus difficile tout retour en arrière ou toute déviance; d’autre part, seraient-elles plus nuancées ou moins contraignantes, il n’en resterait pas moins que ça n’effacerait pas leur pêché originel, jamais corrigé: elles sont profondément anti-démocratique. Ce n’est pas du tout qu’il y a un « déficit démocratique » à combler. C’est que leur logique, leur but, la manière dont elles ont été agencées, sont toutes bien faites pour qu’aucune souveraineté populaire, nationale ou fédérale, ne puisse venir peser sur le fonctionnement d’un marché commun dérégulé et soumis exclusivement à la pression des forces financières mondialisées. Les budgets publics, la politique monétaire, les aides d’Etat, les politiques commerciales, l’emploi, les services publics, le crédit bancaire, les politiques salariales, en faite TOUTE l’économie est désormais contrainte par des lois illégitimes (non décidées dans un cadre démocratique) et entièrement dirigée vers des buts anti-sociaux et contraire à l’intérêt général. Si les gens politisés ne se sont pas rendus compte de cette unilatéralité du projet européen, on se demande sur quelle planète ils ont vécu depuis 50 ans. Donc on ne voit vraiment pas quels arguments ils peuvent bien présenter pour défendre, comme si c’était un acquis, tout cet arsenal de contraintes libérales anti-démocratiques. Nous donneront-ils enfin leur raison pour ne pas vouloir mettre à bas tout ce fatras institutionnel, toutes ces lois jamais légitimées par un processus souverain, qui constitue le plus puissant obstacle à toute politique de gauche? Pourquoi vouloir ménager la chèvre et le chou sans aucune raison valable?
La situation qui précède n’était pas l’anarchie, l’Albanie ou la Corée du Nord, c’était le capitalisme fordien, vrai compromis lui, certes insatisfaisant, entre capital et travail. La souveraineté populaire n’était pas encore institutionnellement entravée et pouvait encore exprimer un rapport de force pas systématiquement perdant contre l’oligarchie financière.
La montée en force des institutions européennes fut le moyen le plus efficace de cette dernière pour contourner cette difficulté. Et il faudrait rester dans son cadre pour tenter d’inverser le rapport de force? Mais encore une fois pourquoi? Ce cadre est illégitime dans son origine et sa structuration institutionnelle et contre-productif dans son contenu politique avec une politique de gauche. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas faire de la coopération internationale avec nos voisins européens. Mais si on veut se donner toutes les chances que cette coopération puisse se faire sur des bases uniquement progressistes et démocratiques, alors il faut sortir des carcans a-démocratiques et libéraux, cela devrait aller de soi enfin!
On ne nous dit jamais pourquoi il faudrait trouver des trésors de ruse pour contourner des contraintes dont personne à gauche ne veut alors qu’il suffit de s’en affranchir souverainement, c’est-à-dire dans un cadre démocratique. La charge de la preuve vous incombent messieurs les européistes de gauche: pourquoi vouloir rester dans la plus efficace et spectaculaire réussite de la bourgeoisie libérale du second XXème siècle, l’Union européenne?
Surtout qu’en suivant la logique de J Généreux, de J L Mélenchon et de la votre, la démarche serait celle là: nous tenterons de modifier le contenu libéral des traités (c’est-à-dire tout bonnement l’ensemble de l’énorme masse juridique européenne) et si ça ne marche pas, pas de problèmes, nous appliquons le programme pour lequel nous avons été élus.
Deux problèmes: pourquoi diable commencer par cette étape, en sachant très bien que l’unanimité des 27 est requise pour toutes les décisions vraiment critiques permettant la moindre réorientation substantielle, et légitimer ainsi des institutions illégitimes, tout en perdant un temps précieux dans une course contre la montre pour lutter contre la crise causée par les décisions de ces mêmes personnes et de ces mêmes institutions? D’autre part, si il apparaît qu’une sortie de l’euro s’avère indispensable, que les 3/4 du programme du Front de Gauche se révèle en contradiction avec les lois et traités européens, désormais incorporés à notre constitution, il faudra se retirer de tout cet ordre juridique. Cela est tout sauf une mince affaire, ou une simple question de gestion gouvernementale classique: c’est un acte politique de souveraineté majeur. Désolé, mais ça ne se décide pas en cours de législature, comme en passant, le nez au vent. Il faut s’être assuré d’avoir le soutien de la majorité de ses concitoyens, bénéficier d’un élan démocratique incontestable. Il faut donc l’écrire le plus précisément possible dans le programme, le plus tôt possible, pour que l’électorat soit bien au courant de la stratégie précise qui sera mise en branle une fois arrivés au pouvoir, sans laisser trop de place aux décisions arbitraires sur des questions aussi centrales, aussi majeures. Il faut pouvoir opposer le soutien incontestable du peuple qu’on représente pour sortir d’un ordre légal réputé supérieur à son droit national. Donc le côté plan à improviser si les autres gouvernements européens ne nous font pas la grâce de nous laisser appliquer un programme qui viole tous les fondamentaux de la construction européenne, me paraît soit très naïfs soit très retord, et surtout très risqué. Et encore une fois, il n’explicite pas pourquoi il faudrait maintenir ce cadre institutionnel de droite (il est tout sauf neutre idéologiquement) et anti-démocratique (dans son origine, élaboration, logique et pratique).
Enfin, et pour terminer cette longue diatribe (désolé, mais c’est difficile de ne pas réagir et vous avez signalé votre désir d’instaurer un véritable débat sur le fond), la stratégie du programme du FDG sur le contournement de l’incompatibilité de son programme avec les contraintes européennes paraît extrêmement léger:
« Conformément au mandat que nous aura été donné par le peuple français pour mettre en place une politique de gauche dans notre pays, nous refuserons d’appliquer des directives contradictoires à nos engagements, notamment en ce qui concerne la dérégulation des services publics. »
Juste refuser les directives qui arriveront, et sélectivement encore, en ne se concentrant que sur les nouvelles dérégulations des services publics? Le flux des nouvelles directives, soit. Mais que fait-on du principal: l’immense stock des traités et lois contraignantes issu de cette construction anti-démocratique, et de son agencement institutionnel, tout aussi contraignant? On y désobéit aussi? Mais si on ne veut pas arriver dans un état de totale illégalité, une véritable sortie de l’état de droit, ne voit-on pas qu’on parle sans le dire de sortie de l’ordre juridique européen? Il faudrait penser la chose sans dire les mots, et surtout sans le faire de manière cohérente, transparente, claire, légale et démocratique? Ça ressemble un peu à ceux qui sont pour toutes les mesures permettant la démondialisation mais qui sont contre le mot. Il faut être lisible face aux électeurs pour être légitime lorsqu’il s’agira vraiment de sortir des contraintes libérales, ce dont je ne vous fais pas le procès d’intention de ne pas vouloir… Ce n’est pas une inflexion vers la gauche qui sera réalisable vu le contexte, c’est tout ou rien, c’est une redirection immense et majeure à l’occasion de cette crise tout aussi majeure. Les demi-mesures ne font que fragiliser et obscurcir inutilement la démarche et affaiblir la légitimité démocratique indispensable à ce grand retournement.
Amicalement,
Gilles, M’PEP 07
René , je voudrais comprendre ..que penses-tu des positions du M’PEP qui est très présent sur ton blog ..suite sans doute à ce séminaire où tu étais.. Alain Beitone ,que tu connais , qui est prof de SES en classe prépa (comme toi) à Marseille n’est pas tendre avec eux .. et toi ?
Merci de distraire une peu de ton temps à la prochaine occasion pour m’éclairer.GP
Bonjour,
D’abord un constat : Vous êtes hyper long sur ce blog. Mais, c’est votre blog et il faut ce qu’il faut hein ?
J’ai lu le programme du front de gauche et je n’en remets pas cause le contenu. Ce qui me gène le plus, c’est la proportion des élus du front de gauche à « s’aviliser » dans leur fonctions au sein des régions ou des départements par rapport à leurs « maîtres socialistes ».
Quelques fois, ils me font penser à Montebourg pendant les primaires: Un discours probant, très à gauche, puis un ralliement sur sa droite sur des promesses de postes. Or c’est là où je suis en désaccord avec votre fonctionnement. Vous pouvez avoir le meilleur des programmes et vous cacher derrière en faisant croire que vous être plus à gauche que la gauche, mais vous vous trahissez dans votre pratique. Il y aura bien des exceptions que vous vous empresserez de nous énumérer, mais en majorité vous élus suivent le PS sans broncher dans les exécutifs et ce sera comme cela pour les présidentielles et les législatives. Les accords de postes, de circonscriptions réservées sont déjà ou presque déjà signés et vous êtes déjà dans le rang.
Alors, gardez-vous égratigner le M’PEP ou tout autre parti de gauche . Cela ne plaide pas en votre faveur et prouve votre manque évident d’ouverture politique !
Frederic Quillet
M’pep 76
oh pauvre, vous êtes sous le coup de la propagande anxiogène de la droite !
au lieu de dire que les articles sont longs, prenez des notes dans un cahier.
ici c’est pas le M’ PEP, c’est les poilus !
Le même commentaire avec quelques coquilles en moins
Bonjour,
D’abord un constat : Vous êtes hyper long sur ce blog. Mais, c’est votre blog et il faut ce qu’il faut hein ?
J’ai lu le programme du front de gauche et je n’en remets pas en cause le contenu. Ce qui me gène le plus, c’est la proportion des élus du front de gauche à « s’aviliser » dans leur fonctions au sein des régions ou des départements par rapport à leurs « maîtres socialistes ».
Quelques fois, ils me font penser à Montebourg pendant les primaires: Un discours probant, très à gauche, puis un ralliement sur sa droite sur des promesses de postes. Or c’est là où je suis en désaccord avec votre fonctionnement. Vous pouvez avoir le meilleur des programmes et vous cacher derrière en faisant croire que vous êtes plus à gauche que la gauche, mais vous vous trahissez dans votre pratique. Il y aura bien des exceptions que vous vous empresserez de nous énumérer, mais en majorité vos élus suivent le PS sans broncher dans les exécutifs et ce sera comme cela pour les présidentielles et les législatives. Les accords de postes, de circonscriptions réservées sont déjà ou presque déjà signés et vous êtes déjà dans le rang.
Alors, gardez-vous d’égratigner le M’PEP ou tout autre parti de gauche . Cela ne plaide pas en votre faveur et prouve votre manque évident d’ouverture politique !
Frederic Quillet
M’pep 76
Quoi qu’il arrive, partez simplement de l’idée que les communistes disent toujours des mentiries
et souvenez-vous toujours par vous-même :
– qui se souvient des ses grand-parents et de leur retraite de misère ?
– qui se souvient juste avant 81 comment les gens avaient du mal à se bouger le cul pour revendiquer la retraite à 60 ans ?
– qui se souvient d’ être allé au pôle emploi où on dit aux gens :
mais allez, faut positiver !
La rose et le réséda
Je vois peu de commentaires sur la partie de l’article concernant la démocratie et la souveraineté populaire.Et pourtant…il me semble qu’il va en effet s’agir d’un des points centraux des prochaines batailles à venir(bien sûr , l’élection présidentielle, mais pas que l’élection présidentielle).
Les yeux peuvent s’ouvrir enfin sur le fait que ce système-au delà des pétitions de principe- a peur du peuple et de sa légitimité
.Le système est en effet fondamentalement anti- démocratique.
Il ne s’agit pas en effet ici d’un moment de circonstance: souvenons-nous par exemple du mépris affiché pour les résultats du vote contre le TCE.
Mais, bien au-delà,la question de la non-démocratie dans l’entreprise démontre bien dans quel système de soumission le système capitaliste maintient le citoyen à tous moments.
Etre maîtres de nos vies, individuellement et collectivement, ne peut donc passer que par un changement profond où les citoyens prendront la parole…et la garderont