Note du 11 octobre 2011
Primaires socialistes.
Engagé publiquement dans la campagne du Front de gauche pour les élections présidentielles et législatives, je n’ai bien sûr pas voté à ces primaires. Facilitant leur organisation en tant que Maire, et sensible à tout ce qui anime mon camp, la gauche, j’ai passé de longs moments ce dimanche auprès du bureau de vote de mon village en discutant avec la majorité des 458 votants qui se sont déplacés. Avant toute chose je tiens à féliciter la petite section PS de ma commune qui a fait un travail militant remarquable. Déjà depuis deux semaines, je sentais monter une envie de participer et cela s’est vérifié dans notre commune avec un taux de participation de 12%. Dans les discussions un thème revenait : « On nous demande jamais notre avis, alors pour une fois qu’on peut le donner ! », « d’habitude ils n’en font qu’à leur tête, alors si on pouvait être entendu » et surtout « il y en marre de Sarkozy, il faut que çà change vraiment » ; cela s’est aussi vérifié dans le résultat avec un Montebourg à 27% talonnant Hollande. Vous connaissez les résultats nationaux et je ne reviens pas ici sur les chiffres et le flot des commentaires. Au moment où j’écris ces lignes je ne sais pas ce que dira Montebourg ce lundi soir. Je souhaite vivement qu’il ne se prête à aucune combinaison d’entre deux tours. Mais une chose est sûre : ce qu’il a momentanément incarné dans cette campagne ne peut pas se retrouver dans les deux candidats restés en lice. Pour Hollande, c’est évident : voulant capter l’héritage social libéral de Strauss-Kahn, il n’a pas cessé de vanter la réduction des déficits, la rigueur et les diktats européens. Il est possible que ce positionnement provoque une mobilisation en forme de rejet au second tour. Mais Martine Aubry aura du mal à représenter le changement : certes son discours peut apparaître plus à gauche mais elle ne propose aucune mesure qui permette de sortir de l’impasse actuelle. Un gouvernement de gauche sera immédiatement soumis à un terrible diktat : celui des marchés financiers qui testeront la crédibilité de la France à l’aune des mesures d’austérité qui seront prises et feront payer cher en taux d’intérêt un gouvernement qui ne s’y réduirait pas ; les agences de notation se chargeront de mettre cela en scène et la pression des institutions européennes veillera à mettre la France au pas. Face à cette pression, il ne suffit pas d’avoir du « caractère » (même si cela est nécessaire pour les temps de tempête, mais cette condition nécessaire n’est pas suffisante), il faut aussi dire précisément comment on fait pour rompre avec la dictature des marchés financiers. Et là-dessus le programme du PS comme sa déclinaison par Aubry ne propose absolument rien. C’est d’ailleurs une des leçons de cette primaire : les grands leaders liés au programme du PS ont été soumis à la critique interne de Montebourg et externe de Mélenchon, et la vacuité de ce programme est apparue ainsi visible à travers la percée de Montebourg. Il est possible que la poussée à gauche dans la société amène les électeurs des primaires à donner l’avantage à Aubry au second tour mais cela ne se fera pas sous la forme d’une adhésion profonde.
Le petit livre rouge.
Ainsi auront été posées au cœur du débat les exigences de rupture que le programme du Front de gauche a mis au centre : la rupture avec les marchés financiers par la mise au pas des banques avec un grand pôle public bancaire adossé à la banque centrale, la redistribution des richesses par la taxation des riches et la mise en place d’un revenu maximum, la désobéissance aux directives libérales européennes ouvrant la voie à une réorientation de la construction européenne, la planification écologique, la parole au peuple par la mise en place d’une VIe République…..Sorti le 17 septembre nous étions le 7 octobre à prés de 200 000 exemplaires vendus ! Le programme du front de gauche « L’Humain d’abord ! » fait un tabac et je l’ai vu peu à peu peser dans les débats de la primaire socialiste ; et au lieu d’un concours de beauté (ou de « caractère »), c’est-à-dire un concours de sélection de personnes et non pas d’idées, des thèmes de rupture avec la mondialisation financière et libre échangiste se sont imposés. Au début on a vu les « grands » candidats traiter cela avec condescendance et cette semaine d’entre deux tours on va beaucoup s’amuser à voir Hollande et Aubry faire assaut de formules radicales et confuses pour séduire ces 17% ! Or quelque soit le vainqueur le 16 octobre pendant les sept mois qui suivront ces idées de rupture avec le capitalisme financier poursuivront leur travail dans les têtes de millions de femmes et d’hommes et auront un candidat à la présidentielle pour les incarner avec Jean-Luc Mélenchon. La semaine dernière j’ai tenu une réunion débat dans un café de Nimes sur le programme du front de gauche : la salle était bondée et le public présent allait au delà du cercle militant. Déjà nous programmons tout un maillage de réunions de terrain sur les mesures précises qu’une gauche véritable se devra de mettre en œuvre. Après tout, ces primaires qui auraient dû nous marginaliser ont été un très bon tremplin pour le Front de gauche.
L’aveu de Berlin.
Mais il suffit souvent de suivre l’actualité et chaque jour nous amène de la nourriture pour notre campagne. Ce dimanche la bataille entre socialistes a fait passer au second plan un évènement majeur : le sommet de Berlin entre Merkel et Sarkozy. Deux décisions en sont sorties : 1) la recapitalisation des banques. Bref ils avaient voulu nous expliquer que le seul problème c’était la dette des Etats et en particulier la Grèce. On a appliqué à ce pays une des austérités les plus importantes de ces dernières années et cela ne règle rien (cela aggrave même la capacité de la Grèce à payer) ; et comme tout le monde est convaincu que la Grèce ne pourra pas payer, les banques engagées s’en trouvent fragilisées ; et ce d’autant que les mêmes risques pointent à l’horizon pour d’autres pays et non des moindres comme l’Italie. Par ailleurs il ne vous a pas échappé que la France n’a pas voulu assumer la majorité du sauvetage de la banque franco belge Dexia de peur de voir la note de la France se dégrader comme celle de la Belgique. Devant ce système qui se lézarde on ne trouve comme réponse que de mobiliser les fonds publics pour apporter du capital aux banques ; et cela sans toucher aux mécanismes financiers qui les a menées à la crise actuelle. Les solutions du Front de gauche vont vite s’imposer. Dans une prochaine note je ferai un petit résumé des solutions bancaires et financières que nous mettrions en œuvre. Mais le plus intéressant est la deuxième « innovation » du sommet de Berlin : 2) Berlin et Paris appellent à une refonte des traités européens. Quel aveu ! Nous, qui, depuis des années, expliquons que le traité de Lisbonne est un carcan à faire sauter et à réviser, il y a de quoi savourer. Alors puisque les traités européens doivent être refondus, comment oser alors nous opposer les interdits européens quand nous avançons des mesures en rupture avec ces traités ? Alors puisque tout le monde reconnaît la nécessité de refondre les traités européens mettons au centre de la campagne les mesures phares d’une refondation démocratique de l’Union Européenne – en sachant bien que la refondation de Sarkozy-Merkel va aller exactement dans le sens inverse (notamment en faisant passer pour du « fédéralisme » la mise sous tutelle des Etats et limitant ainsi encore plus la souveraineté populaire .
Un dernier mot pour vous dire que les débats se multiplient autour du livre que je viens de sortir en septembre « Capitalisme. Une mise en perspective » (Editions Alterbooks). De nombreux lecteurs m’écrivent pour exprimer accord, nuances ou divergences d’analyse et ce débat me plaît car comme y incite le bouquin il porte sur la compréhension de la dynamique de long terme. Cette exigence d’une réflexion sur les grands mouvements de fond du système est indispensable quand on est comme nous confronté à l’écume tumultueuse des évènements. Dans les multiples sujets abordés, je note la question d’Etienne qui me demande de préciser ce que j’entends par la notion de « crise systémique » que j’aborde dans l’introduction et la conclusion. Or il se trouve que je vais faire une intervention vendredi prochain au séminaire organisé par le CERSES (Centre de Recherche en Sciences Economiques et Sociales) sur le thème : « Qu’est-ce qu’une crise systémique ? ». Je ne manquerai pas de vous donner le lien pour prendre connaissance de cette intervention et du débat qui va suivre.
A bientôt.
Dans mon bled audois, Montebourg a fait 13 %.
À moins qu’il appelle à voter Hollande
( celui qui rêve de s’allier aux umpistes et aux centristes entre les deux tours des présidentielles )
j’irai voter Aubry de manière à aller jusqu’au bout et pour que ça aille dans le bon sens.
Hum, hum… la radicalité, c’est bien, mais Montebourg, JLM et d’autres pourront-ils mettre de côté leur personne, qu’il semblent beaucoup apprécier, pour créer une force politique capable de peser réellement ? Ou cela restera-t-il un bon moment, comme en 2005 ?
Sarko ou Hollande aux présidentielles 2012, ça va nous limiter dans nos choix.
moi, dans ce cas de figure, comme dans celui de Sarko-Aubry, je voterai carton rouge (un bulletin blanc en couleur) – inutile de se donner des espoirs vains : Aubry a déjà gouverné ! on n’a donc pas d’illusions à se faire, ça sera : « j’voudrais ben, mais j’peux point » et nous ne devons pas entretenir ces illusions chez personne, car les très déçus du socialisme sont des proies un peu trop facile pour de tristes …..
mais n’anticipons pas bêtement : je vais voter Melenchon au 2e tour, j’en suis sûre !
Je suis d’accord sur le fait que les primaires du PS ont été un succès car elles correspondent à une réelle attente de démocratie des citoyens.
Néanmoins, le débat est totalement dévoyé: bien plus que les idées (ou programmes) politiques sont en effet mis en exergue les « personnalités », les « caractères ».
Très loin de la 6éme république, ces élections primaires ont au contraire renforcé la 5éme par la personnalisation.
Par ailleurs, elles correspondent à une tendance ou un seul candidat de chaque bloc doit être présent au premier tour, ce qui correspond à une évolution très dangereuse à l’américaine.
Vivement de vrais débats, un vrai programme et un vrai candidat de gauche pour la prochaine élection présidentielle