Retour du Congrès du Parti de Gauche au Mans

La ville du Mans me laissait deux souvenirs contradictoires, un bon et un mauvais. Commençons par le mauvais : le dernier Congrès du PS auquel  j’ai assisté où la gauche du parti fut défaite à la fois par les combines diverses et variées et aussi par son incapacité à s’unir et à offrir une alternative solide au social-libéralisme. Le bon souvenir maintenant : le meeting unitaire de la gauche antilibérale du 7 novembre 2006 où j’étais intervenu aux côtés de Marie George Buffet, José Bové, Clémentine Autain, Claude Debons, Claire Villiers et quelques autres. La foule nombreuse, l’enthousiasme et la clarté de ce que nous avancions allaient se retrouver  le 18 novembre suivant au même type de meeting qui se tenait avec  5000 personnes à Montpellier mais cette fois ci avec Jean-Luc Mélenchon en plus. Le peuple de gauche avait répondu présent à l’appel mais la gauche antilibérale s’avère dans les mois qui suivent incapable de répondre à cette attente et se divise ; nous l’avons payé d’une défaite en 2007 – défaite que le peuple de notre pays, confronté quotidiennement aux méfaits  de Sarkozy, paie lui aussi le prix fort. L’incapacité, tant celle de la gauche du PS à changer le cours de son parti que celle de la gauche antilibérale à s’unir – nous ont convaincu de prendre l’initiative de lancer le Parti de gauche et le Front de gauche fin 2008. Et c’est à nouveau au Mans, deux ans après, que le Parti de gauche – fondé en février 2009 – tient son premier Congrès ! Le moins qu’on puisse dire est que la première étape du pari que nous nous étions fixés est réussie.

Ma première joie fut, dans cette ville ouvrière, rebelle et attachante,  toujours dirigée par une municipalité authentiquement à gauche, de retrouver mes amis de la gauche progressiste. Suivant Robert JARRY (maire de 1977 à 2001, décédé en 2008), ils avaient quitté le PCF en 1989 pour chercher les voies d’un nouveau parti de la gauche de transformation sociale. Ils sont vingt ans après dans les rangs du Parti de Gauche pour entrainer une nouvelle génération dans la construction d’un Front de Gauche populaire et puissant aux côtés  de nos camarades du PCF.

Ce congrès a été un succès par la qualité de la représentation (prés de 700 délégués représentant plus de 7000 adhérents), par l’élaboration d’une orientation précise au lendemain d’un puissant mouvement social, par l’ampleur et la qualité des très nombreuses délégations internationales, par la présence de délégations de toute la gauche politique et syndicale. Vous retrouverez tout cela sur le site du PG et pourrez visionner les principales interventions  sur Télé de Gauche, à commencer par la conclusion remarquable de Jean-Luc Mélenchon. Voici quelques impressions de Congrès.

Elu par le Congrès dans une commission de six membres chargée d’élaborer une proposition de listes pour le Nouveau BN, la commission des conflits et la commission financière, j’ai eu la charge d’en exposer les conclusions au Congrès, qui bien sûr est seul habilité à trancher en dernière instance. On peut juger un parti par la façon dont il désigne ses instances de direction. Ce genre d’exercice est souvent l’occasion d’affrontements sournois : comme j’en ai eu l’expérience attristante au PS, le choc des ambitions escamote vite les questions de fond. Mes appréhensions ont vite été levées à ce Congrès du PG. Nous fume agréablement surpris par la maturité et le sens des responsabilités des candidats comme des responsables que nous avons auditionné pendant le weekend. Assurer une stricte parité hommes femmes, assurer un rajeunissement des instances dirigeantes, maintenir ce caractère creuset d’un parti qui fédère et fusionne des militants venant de tous les horizons de la gauche, assurer une représentation suffisante de la Province quand on sait que toutes les responsabilités importantes se concentrent en région parisienne pour des raisons évidentes, soigner la présence de tous les secteurs de combat, permettre aux régions encore faibles et pleine de capacités de développement d’être représentées….  Je crois que nous avons fait un bon travail et que le Congrès a su montrer à ce sujet une vraie maturité malgré notre jeune âge et notre diversité.

Bien que cette tâche m’ait beaucoup occupé dans ces deux jours de congrès, j’ai pu suivre et participer aux débats politiques. Ne nous laissons pas dominer par les compte rendus  médiatiques qui veulent réduire la discussion à la candidature de Mélenchon et aux relations avec le PCF ; une vraie discussion politique a lieu en fait sur le positionnement du Front de gauche : celui-ci doit il comme autrefois à la gauche de la gauche  chercher à peser le plus possible à un premier tour pour ensuite constater que le PS est devant et se rallier à son programme en acceptant quelques compensations parlementaires et gouvernementales ? Cette stratégie sert dans les faits de marche pied au social libéralisme et ne prend pas en compte le mouvement tellurique qui depuis le Non de 2005 et les mouvements sociaux de 2009 et 2010 pousse notre société à une rupture avec le capitalisme financiarisé et mondialisé. Cette position d’adaptation au PS ne correspond pas à la situation. Nous avons adopté à ce congrès un texte qui trace clairement la voie : le Front de Gauche  doit se présenter aux électeurs (et ce dès les cantonales) avec l’ambition d’être majoritaire dans la gauche. Il ne doit pas être là dans une posture de témoignage protestataire mais dire qu’il est prêt à gouverner, et sur un un programme clair de transformation sociale. Le fait que la personnalité de Mélenchon ait un écho dans les profondeurs populaires n’est pas un phénomène  proprement « personnel » ; c’est la traduction d’un attrait pour un homme politique qui ne s’en laisse pas compter par les puissants et affirme clairement sa volonté de rupture avec les politiques libérales (j’aborderai un jour cette question du rapport de la personne et du mouvement de fond collectif ; il y a à ce sujet une tradition théorique fort oubliée). Les têtes de chapitre d’un programme de mesures à appliquer une fois au pouvoir sont  : l’ Assemblée constituante, la redistribution des richesses et entre autres l’instauration d’un revenu maximum, la défense et l’extension des services publics,  la mises au service du bien commun des industries de réseaux (eau, électricité), la sortie du Traité de Lisbonne. Aux socialistes de se définir par rapport à nos propositions concrètes de rupture ; le peuple sait d’expérience que les promesses générales ne sont que du vent.   Seule une telle stratégie peut remettre en mouvement les millions d’hommes et de femmes qui ont quitté les élections et qui sont marqués par le désespoir. 

Dans l’immédiat les tâches ne manquent pas : assurer une mobilisation pour la manif de mardi à 17h contre la réforme des retraites pour montrer que nous ne lâcherons rien, faire signer la pétition en ligne qui fait un tabac pour un référendum sur cette question, arracher les sans papiers à commencer par les jeunes majeurs des griffes de la police qui veut les expulser …

Nous ne sommes pas de ceux qui disent qu’il faut attendre 2012. D’abord parce que le climat délétère de ce régime ne nous met pas à l’abri d’une rupture inopinée, ensuite parce que la rage populaire peut exploser à tout moment, enfin parce que le programme de 2012 ne s’écrira pas dans le secret d’une alcôve de la Rue de Solférino mais dans les exigences construites au cœur d’une société mobilisée.

Enfin un dernier mot sur les rencontres de ce congrès. Parmi les congressistes comme parmi  les invités, j’ai fait beaucoup  de retrouvailles émouvantes : un vieux de 68 qui retrouve la fougue de sa jeunesse, des syndicalistes étudiants de l’Unef de la grande époque, des syndicalistes enseignants, un journaliste qui m’avait suivi à Prague en 1982, des anciens grenoblois comme des nouveaux languedociens, des anciens étudiants devenus des militants aguerris, des anciens socialistes devenus des organisateurs des campagnes du Front de gauche… La vie politique dans notre camp n’est pas l’affligeant spectacle que donne les grands partis officiels : des discours hypocrites qui cachent mal haine et règlements de compte. Vous reconnaîtrez un parti fidèle à l’idéal d’émancipation humaine à l’ambiance de fraternité – qui est, faut-il le rappeler, un des trois préceptes de la devise républicaine. Enfin je ne voudrais pas oublier la joie que j’ai eu à discuter avec Clémentine AUTAIN, venue faire une belle intervention dans notre congrès et interpellant la salle (qui tourne déjà sur le net). Clémentine est intelligente, indépendante d’esprit  et combative ; une vraie discussion s’engage avec elle sur le fond. Tout y passe : République et laïcité (une vraie divergence mais aussi un débat sans anathème) transformation de la forme parti, évolution de la société et des groupes sociaux et transformation des chemins de l’émancipation (sur ces points nous sommes  très proches). Je serai ravi que l’approfondissement de nos discussions nous permette de mener ensemble le combat qui vient.   

                                                                                                                René Revol

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2 commentaires

  1. Bravo l’ancêtre pour avoir osé se lancer dans la blogosphère politique !
    Deux petits conseils techniques de webmaster:
    – place un widget « Facebook » pour envoyer les lecteurs vers ta page, ainsi qu’un bouton Facebook « I like »
    – crée des catégories et des tags, sinon ton blog sera un joyeux foutoir dans 6 mois, et les moteurs de recherche n’arriveront pas à t’indexer, ce qui entraînera la mort virtuelle de tes articles plus anciens.
    Simon peut peut-être t’aider, sinon on en reparle le 27 janvier :))

  2. Bravo pour ton blog René, et bon courage aux camarades montpelliérains pour la suite du combat. Frédéric

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